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chevelure combattait la tête nue, les épaules nues ; les blessures ne l’épouvantaient pas, tant se découvrait aux coups l’intrépide géant ! Le javelot de Catillus va s’enfoncer en tremblant dans ses vastes épaules, et, perçant ce grand corps de part en part, le fait se courber sous la douleur. Des flots d’un sang noir coulent de tous côtés ; les combattants sèment partout la mort, et cherchent eux-mêmes à travers les blessures un beau trépas.

Au milieu du carnage bondit l’Amazone Camille, un carquois sur l’épaule, un sein nu pour le combat : (11, 650) tantôt elle lance coup sur coup avec la main des javelots pliants ; tantôt elle fait voltiger d’un bras infatigable la pesante hache ; sur son épaule résonnent son arc d’or et les armes de Diane. Quelquefois repoussée et forcée de fuir, elle se retourne, et tout en fuyant décoche ses flèches meurtrières. À ses côtés combattent ses compagnes d’élite, Larina, Tulla et Tarpeïa, qui brandit une hache d’airain ; toutes trois Italiennes, escorte brillante de la divine Camille, ses conseils dans la paix, ses vaillants soutiens dans la guerre. (11, 659) Ainsi les Amazones de Thrace frappent du bruit de leurs armes peintes les bords ensanglantés du Thermodon, soit qu’elles se pressent autour de leur reine Hippolyte, soit que la belliqueuse Penthésilée se porte sur son char à travers les batailles ; leur troupe guerrière hurle et bondit en tumulte, agitant ses boucliers en forme de croissant. Quel est le premier, quel est le dernier, ô vierge terrible, que tu abats sous tes coups ? Qui compterait tous ceux que tu étends morts sur l’arène ? Le premier qu’elle immole est Eunée, fils de Clytius ; il venait contre elle, quand de sa longue lance elle traverse sa poitrine découverte ; Eunée tombe en vomissant des ruisseaux de sang, mord la terre ensanglantée, et se roule en mourant sur sa blessure. (11, 670) Elle fond sur Liris et sur Pagase ; tandis que l’un, déjà culbuté, ramasse les rênes de son coursier percé sous le flanc, et que l’autre vient à son aide et lui tend pour le soutenir une main désarmée, ils sont entraînés tous deux et tombent ensemble. À côté d’eux elle jette sur la poussière Amastre, fils d’Hippotas ; et de loin, penchée sur sa lance, elle poursuit et atteint Térée, Harpalyce, Démophoon et Chromis. Autant partent de traits lancés par la main de la vierge, autant tombent de guerriers phrygiens. Elle voit Ornyte, chasseur fameux, que distingue au loin son armure inconnue, et qu’emporte un cheval apulien : la peau d’un taureau sauvage couvre ses vastes épaules ; (11, 680) il a pour cimier la tête énorme d’un loup, avec sa gueule et ses dents blanches. Sa main est armée d’un épieu agreste ; il s’agite au milieu des escadrons, et dépasse de la tête tous les autres cavaliers. Camille l’atteint aisément, son bataillon étant rompu, le perce de son dard, et le cœur plein de colère : « As-tu cru, lui dit-elle, féroce Tyrrhénien, lancer ici les bêtes de tes forêts ? Le jour est venu où le bras d’une femme devait confondre tes insolents discours : cependant tu pourras raconter aux mânes de tes pères (et ce n’est pas peu de gloire pour toi) que tu es tombé sous le trait de Camille. » (11, 690) En même temps elle attaque Orsiloque et Butès, les deux géants de l’armée troyenne : elle perce