Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/424

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il bondit, il lève sa tête altière, il frémit dans sa force luxuriante ; et ses crins, jouets des vents, voltigent sur son cou et ses épaules. Turnus voit venir à sa rencontre Camille à la tête de ses escadrons ; arrivée aux portes de la ville, la reine (11, 500) s’élance à terre ; tous ses cavaliers l’imitent, et, légers comme elle, glissent de leurs coursiers. Alors s’adressant à Turnus : « Turnus, s’il est permis de compter sur son propre courage, j’ose te promettre de marcher contre les escadrons d’Enée, et de me porter seule au-devant des cavaliers tyrrhéniens. Laisse-moi tenter les premiers hasards du combat ; toi, demeure avec tes fantassins au pied des remparts et garde les murailles. » Turnus fixant ses yeux sur la vierge étonnante lui répond : « Ô vierge, l’honneur de l’Italie, comment égaler par la reconnaissance et payer un tel service ? Venez donc, puisque (11, 510) votre courage est au-dessus de tout, venez partager avec moi les travaux de cette journée. On dit, et mes éclaireurs m’en ont confirmé le bruit, que l’audacieux Énée a envoyé devant lui une troupe de cavalerie légère pour battre la campagne, et qu’à la tête de son armée il franchit les sommets déserts de la montagne pour tomber sur la ville. Je lui prépare une embuscade dans le sentier creux de la forêt, et je garnirai les deux gorges de soldats. Vous, engagez vos enseignes contre celles de la cavalerie tyrrhénienne ; avec vous marcheront le bouillant Messape, les escadrons latins, et la troupe de Tiburne : allez, commandez et dirigez. » (11, 520) Il exhorte par de pareils discours Messape et les chefs alliés, et marche au-devant de l’ennemi. Il y avait dans l’enfoncement des monts une vallée, propice aux ruses et aux pièges de la guerre : deux versants couverts de noirs ombrages la resserraient de çà et delà, et on y pénétrait par un étroit sentier, gorge tortueuse, défilé perfide. Au-dessus de la vallée et sur le sommet de l’un des monts s’étendait une plaine cachée aux yeux, poste d’observation, retraite sûre, d’où l’on pouvait à droite et à gauche courir au combat, tomber sur l’ennemi, et faire rouler sur lui d’énormes pierres. (11, 530) C’est là que Turnus, qui connaît le pays, se porte ; il saisit la position couverte par les ombrages de la forêt perfide.

Cependant Diane, dans les hautes demeures de l’Olympe, entretenait Opis, l’une des vierges ses compagnes et de sa troupe sacrée, et lui adressait ces tristes paroles : « Nymphe, voici Camille qui marche à un cruel combat, et qui revêt mes armes, hélas ! inutiles dans ses mains. Camille m’est chère entre toutes les vierges ; et ce n’est pas de ce jour que m’est venue pour elle cette vive tendresse ; ce n’est pas d’un mouvement subit qu’elle a touché le cœur de Diane. Chassé de son royaume par la haine de ses peuples et à cause de son insupportable tyrannie, (11, 540) Métabe, son père, s’échappe de l’antique Priverne ; fuyant de sa patrie à travers les armes et les combats, il emporta avec lui dans l’exil sa fille encore enfant, et l’appela Camille, du nom adouci de sa mère Casmille. Le malheureux père, portant sa fille dans ses bras, gagnait les longues pentes des bois solitaires : de tous