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de Dolichaon, et avec lui Latagus, et Palmus qui fuyait. Latagus est atteint à la tête et au visage d’une pierre, débris énorme d’une montagne : Mézence coupe le jarret au lâche Palmus, (10, 700) qu’il laisse se rouler à terre ; lui enlève ses armes, son panache, et le donne à Lausus pour qu’il en pare son front. Il massacre ensuite le Phrygien Évas, avec Mimas le compagnon de Pâris, et son égal par les années. La même nuit qui vit naître le fils de Théano et d’Amycus, vit la fille de Cissée mettre au monde Pâris, le flambeau de la guerre. Pâris est couché sous les murs de ses pères : les champs de Laurente ont reçu la dépouille ignorée de Mimas. Tel qu’un sanglier, que les pins du Vésule et le marais de Laurente ont longtemps défendu, descend des hautes montagnes lancé par la dent des chiens, (10, 710) et encore tout repu de la forêt de roseaux ; quand il est tombé dans les rets, il s’arrête, frémit de rage, hérisse ses crins sur ses flancs ; les chasseurs n’ont le courage ni de l’attaquer, ni d’avancer ; mais de loin ils le harcèlent de leurs traits et de leurs prudentes clameurs. Lui, intrépide, se tourne de tous côtés, grinçant les dents et secoue les traits qui viennent mourir sur son dos. De même aucun de ceux qu’une même et juste colère enflamme contre Mézence ne se sent le courage de le combattre de près le fer à la main ; tous ne font que l’assaillir de loin de leurs dards impuissants et de leurs vastes cris.

Acron, Grec d’origine, était venu de l’antique pays de Corythe, (10, 720) abandonnant pour l’exil un hymen inachevé. Dès que Mézence le voit portant au loin le désordre dans les bataillons latins, et déployant sa brillante aigrette et ses vêtements de pourpre, dons de sa fiancée : comme un lion à jeun, et qui pressé d’une faim furieuse parcourt souvent les hautes clôtures des bergeries ; s’il voit paraître une biche fugitive ou se dresser les bois d’un cerf, il tressaille, ouvre une gueule immense, hérisse sa crinière, arrive sur sa proie, et, couché tout entier sur ses entrailles palpitantes, y demeure attaché ; un sang noir lave ses dents affreuses ; tel et aussi impétueux Mézence fond sur les rangs serrés des ennemis : (10, 730) le malheureux Acron tombe renversé par lui, bat en expirant la terre de ses pieds, et ensanglante ses armes brisées. À cette vue, Orode se met à fuir ; Mézence dédaigne de l’abattre dans sa fuite, et de lancer un dard honteux dans le dos d’un ennemi ; mais il court à lui, lui fait face ; guerrier, c’est avec un guerrier qu’il se mesure, moins rusé que lui, mais plus brave. Il le terrasse, lui met le pied sur la gorge ; et s’appuyant sur la lance dont il l’a percé : « Compagnons, s’écrie-t-il, voici le grand Orode, un des forts soutiens de cette guerre, couché dans la poudre. »

Ses soldats lui répondent par des acclamations, et entonnent un joyeux péan. (10, 739) Mais Orode expirant : « Qui que tu sois, tu ne te réjouiras pas longtemps de m’avoir vaincu et laissé sans vengeance ; un destin pareil t’a marqué, et bientôt tu seras étendu sur ces mêmes champs. » Mézence, le regardant avec un sourire mêlé de colère, lui répond : « Meurs ; le père des dieux et des hommes fera de moi ce qu’il lui plaira. »