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des deux côtés se soutiennent des chocs opiniâtres. (10, 360) Ainsi s’entre-heurtent les armées troyenne et latine, pied contre pied, poitrine contre poitrine.

Plus loin combat Pallas. Là un torrent débordé roulait des débris de roc et d’arbrisseaux arrachés à la rive ; la cavalerie arcadienne, contre sa coutume, met pied à terre, forcée par l’âpre nature du terrain de quitter ses chevaux. Pallas la voit tourner le dos, et les Latins la poursuivre : alors, seule ressource dans cette extrémité, il tâche par ses prières de retenir les fuyards, de rallumer leur courage par ces reproches amers : « Où fuyez-vous, compagnons ? Par vous, par vos exploits, (10, 370) par le nom de votre roi Évandre, par tant de victoires, par l’espoir qui m’enflamme de rivaliser aujourd’hui de gloire avec mon père, ne vous confiez pas en la vitesse de vos pieds : c’est avec le fer qu’il faut nous ouvrir un passage à travers l’ennemi, là, au plus épais de ces bataillons ; c’est par cette route que notre grande patrie veut que vous et moi nous revenions : ici aucun dieu ne nous accable ; mortels, nous sommes pressés par des ennemis mortels ; nous avons autant d’âmes, autant de bras qu’eux. De ce côté la mer nous enferme dans sa vaste barrière ; la terre manque à notre fuite : allons-nous gagner la mer et la nouvelle Troie ? » À ces mots il s’élance à travers les phalanges serrées des Latins. (10, 380) Le premier qui s’offre à ses coups, conduit par un destin ennemi, c’est Lagus : dans le temps qu’il s’efforce d’arracher une pierre énorme pour la lancer contre Pallas, celui-ci le perce d’un dard à l’endroit où l’épine partage les flancs en deux régions, et il en retire le fer encore attaché aux os. Hisbon se flatte de venger Lagus ; mais Pallas le prévient, au moment où il le voit fondre sur lui furieux et égaré par le cruel trépas de son ami, et il plonge son épée dans ses poumons encore gros de courroux. Il attaque ensuite Sthénélus et Anchémole de l’ancienne race de Rhétus ; incestueux Anchémole, qui avait osé souiller la couche de sa marâtre. (10, 390) Vous aussi, vous tombâtes tous deux dans les champs des Rutules, ô Laris, ô Thymber, enfants de Daucia, nés le même jour ; vos traits, pareils en tout, embarrassaient par une douce erreur les regards et l’amour de vos parents. Mais Pallas sut trop vous distinguer en ce jour : le cimeterre d’Évandre tranche ta tête, ô Thymber ; et toi, Laris, ta main coupée cherche le bras dont elle est séparée ; tes doigts mourants tressaillent encore, et veulent ressaisir le fer. Les exploits éclatants de Pallas, encore plus que ses reproches, rallument le courage des Arcadiens ; le repentir et la honte les ramènent contre l’ennemi. En ce moment Pallas perce Rhétée, qui fuyait emporté sur son char à deux coursiers ; (10, 400) et sa mort ne fait que retarder d’un instant celle d’Ilus. Pallas avait de loin dirigé son javelot contre Ilus, lorsque Rhétée fuyant devant toi, brave Teuthras, et devant ton frère Tyrès, intercepte le coup, et, roulant de son char, bat de ses pieds mourants les plaines des Rutules. Comme un berger, dans la saison d’été, quand s’élève le vent qu’il appelait de ses vœux, disperse à travers d’inutiles broussailles les semences de l’incendie ; mille