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et ce signe fait trembler tout l’Olympe. Ainsi finit le céleste conseil ; Jupiter se lève de son trône d’or ; tous les dieux l’environnent et le reconduisent à son palais.

Cependant les Rutules, ayant investi toutes les portes du camp, pressent de tous les côtés le carnage et l’incendie ; (10, 120) la troupe des Troyens est cernée dans ses retranchements : pour elle plus d’espoir de fuir ; les malheureux tiennent, mais en vain, sur leurs hautes tours, et de rares soldats bordent encore les remparts. Asius, fils d’Imbrasus, Thymète d’Hicétaon, les deux Assaracus, le vieux Thymbris avec Castor, sont au premier rang, soutenus des deux frères de Sarpédon, Clarus et Thémon, venus de la haute Lycie. Alors s’avance, portant de tout l’effort de ses muscles un rocher énorme, débris d’un mont, Acmon de Lyrnesse, digne fils de Clytius et digne frère de Mnesthée. (10, 130) En même temps les uns se défendent à coups de dards et de pierres ; les autres, en lançant des feux et décochant des flèches. Ascagne lui-même, juste objet des tendresses de Vénus, se montre au milieu d’eux, ayant découvert sa jeune et belle tête : ainsi brille une perle environnée d’or, ornement de la tête ou du cou ; ainsi reluit l’ivoire élégamment enchâssé dans l’ébène ou dans le bois de térébinthe : sur son cou blanc comme le lait retombe sa flottante chevelure, que retient mollement une agrafe d’or. Et toi aussi les peuples magnanimes te virent, ô Ismare, (10, 140) diriger tes coups, et armer de poison la pointe de tes flèches ; Ismare, né dans la généreuse Méonie, où les hommes tourmentent avec le soc les grasses plaines que le Pactole au sable d’or arrose de ses flots. Là parurent aussi Mnesthée, que la fuite de Turnus glorieusement repoussé du rempart a élevé jusqu’au ciel, et l’illustre Capys, dont la ville de Capoue tire son nom.

Tandis que de part et d’autre on se livre de cruels combats, Énée au milieu de la nuit fendait les mers. Après avoir quitté Évandre et joint le camp étrusque, il va trouver le roi Tarchon, lui apprend son nom et son origine, (10, 150) lui dit sa détresse et ses moyens, quelles armes Mézence a su s’attacher, et ce que peut la violente humeur de Turnus. Il lui représente l’incertitude des choses humaines, et mêle à ses avis de nobles prières. Aussitôt Tarchon joint ses forces aux siennes, et conclut une alliance avec lui. Alors, libre d’obéir aux destins, la nation lydienne s’abandonne à la conduite d’un chef étranger, et, docile à l’ordre des dieux, monte avec lui sur sa flotte. Le vaisseau d’Énée est à la tête, avec sa proue ornée de deux lions phrygiens. Au-dessus l’Ida s’élève, l’Ida, si doux aux regards des Troyens exilés. Là s’assied Énée, méditant (10, 160) sur les événements divers de la guerre présente : près de lui, à sa gauche, Pallas tantôt lui demande quels astres règlent la course nocturne d’un navire, tantôt se fait raconter par lui les maux qu’il a soufferts sur la terre et sur la mer.

Muses, ouvrez-moi maintenant votre Hélicon, et animez mes chants. Dites-moi quels peuples venus des bords toscans accompagnèrent Énée, armèrent des vaisseaux, et voguèrent sur la mer.