Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/378

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Pourquoi balances-tu ? Voici le moment de demander et tes coursiers et ton char. Plus de retard ; va, disperse, enlève le camp troyen. » Elle dit, s’élève dans les airs sur ses ailes égales, et dans sa fuite trace sous la nue un grand arc de lumière. Le jeune guerrier a reconnu la messagère des dieux ; il lève au ciel ses deux mains, et la suivant des yeux, lui adresse ces paroles : « Iris, ornement de l’Olympe, quel dieu t’a envoyée à moi et portée sur un nuage vers la terre ? D’où vient cette sérénité soudaine ? (9, 20) Je vois s’ouvrir les cieux, je vois sous leur voûte errer les étoiles ; je me livre à un si grand présage ; je t’obéis, qui que tu sois, dieu qui m’appelles au combat. » Aussitôt il s’approche du fleuve, puise au fond de ses gouffres l’eau des libations, invoque mille et mille fois les dieux, et charge le ciel de ses vœux.

Déjà marchait se déployant dans la plaine l’armée entière des Rutules ; la cavalerie resplendissait d’or ; l’or et les couleurs éclataient sur les vêtements des guerriers. À la tête des premiers rangs est Messape ; les derniers sont commandés par les fils de Tyrrhus : au centre paraît Turnus, les armes à la main, et dépassant de toute la tête les autres combattants. (9, 30) Tel s’enfle et coule silencieux le Gange, gros de ses sept courants tranquilles ; ou encore le Nil, quand il rappelle ses fertiles ondes répandues dans les campagnes, et qu’il est enfin rentré dans son lit. Tout à coup les Troyens voient de loin un nuage d’une noire poussière s’amasser et s’élever de la plaine obscurcie. Caïcus, posté sur le rempart et vis-à-vis l’ennemi, de s’écrier le premier : « Compagnons, quel épais et noir tourbillon roule vers nous ? Aux armes ! les traits en main ! montez sur les remparts ; voici l’ennemi ; alerte, alerte ! » On lui répond par un cri ; les Troyens se rangent sous toutes les portes, et remplissent les murailles. (9, 40) Énée, en habile capitaine, avant de partir leur avait prescrit, quoi qu’il arrivât, de ne pas chercher les hasards d’une bataille rangée, ni s’aventurer dans la plaine ; mais de ne faire que protéger le camp et les retranchements. Ainsi, bien que la honte et la colère les excitent à en venir aux mains, ils obéissent, ferment leurs portes, et à l’abri de leurs tours attendent de pied ferme l’ennemi. Turnus vole en avant, et déjà il a devancé sa troupe tardive : à la tête de vingt cavaliers choisis, il paraît tout à coup sous les murs de la ville ; il monte un coursier de Thrace tacheté de blanc ; (9, 50) un panache rouge ombrage son casque d’or. « Guerriers, s’écrie-t-il, qui le premier de nous ?... qui court avec moi à l’ennemi ?... » Il dit, et, dardant un trait, le lance dans les airs, commence l’attaque et se porte fièrement dans la plaine. Les Rutules d’applaudir en poussant d’horribles cris, et de le suivre en agitant leurs armes frémissantes. Cependant l’inertie des Troyens les étonne : est-ce que l’ennemi n’oserait pas descendre dans la plaine, s’avancer contre eux enseignes déployées ? Est-ce qu’il va se tenir dans son camp ? Turnus, que troublent la fureur et la honte, va, revient, porté sur son