Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/376

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taient pour la liberté contre le fer ennemi. On voyait Porsenna, les yeux menaçants, s’indigner (8, 650) de ce que l’intrépide Coclès osât rompre le pont, de ce que la vierge Clélie, brisant ses fers, passât le Tibre à la nage. Posté sur le sommet de la roche Tarpéienne, Manlius gardait le temple de Jupiter et le haut Capitole : le palais de Romulus se hérissait encore de son chaume récent. Une oie au plumage argenté, volant sous les portiques dorés du temple, annonçait par son cri perçant l’approche des Gaulois. Ceux-ci arrivaient se glissant à travers les buissons, et déjà s’emparaient de la citadelle, protégés par l’obscurité et par les profondes ténèbres d’une nuit amie. On les reconnaissait à leur blonde chevelure, à leurs vêtements dorés, (8, 660) à leurs sayes rayées, aux colliers d’or qui entouraient leurs cous blancs comme le lait ; dans leurs mains resplendissent deux dards des Alpes ; de longs boucliers leur couvrent tout le corps. D’un autre côté on voyait gravé sur l’airain les Saliens bondissant en cadence, les Luperques nus, les prêtres de Jupiter et leurs houppes de laine, et les boucliers tombés du ciel : les chastes matrones promenaient par la ville les objets sacrés du culte, traînées dans des chars au mol essieu. Loin de là Vulcain avait représenté le Tartare, le profond empire du dieu des morts, les supplices des coupables, et toi, Catilina, suspendu à la pointe menaçante d’un rocher, et que fait trembler la face des Furies : (8, 670) seuls à l’écart étaient les hommes pieux, et Caton leur dictait ses arrêts. Au milieu du bouclier s’étendait une image d’or de la mer enflée par le vent : l’onde azurée blanchissait d’écume, et çà et là des dauphins nageant en cercle balayaient de leurs queues argentées et fendaient les flots bouillonnants. On découvrait en pleine mer deux flottes aux proues d’airain, et le combat d’Actium : vous eussiez vu toute la côte de Leucate bouillonner sous le formidable appareil de Mars, et les flots resplendir au loin des reflets de l’or. D’un côté, c’est Auguste César entraînant au combat les Italiens, le sénat, le peuple, les dieux de la patrie et les grands dieux de l’Olympe : (8, 680) il est debout sur la poupe de son vaisseau ; de ses tempes rayonnantes jaillissent deux flammes, et sur son front reluit l’astre paternel. Plus loin Agrippa, favorisé des vents et des dieux, s’avance d’un air de triomphe, à la tête de ses galères : sur son front brille, superbe trophée de guerre, la couronne rostrale. De l’autre côté c’est Antoine, vainqueur des peuples de l’aurore et de ceux des bords de la mer Rouge ; il traîne avec lui ses alliés barbares, mille étendards divers, l’Égypte, les forces de l’Orient, les Bactriens relégués aux confins de la terre ; une Égyptienne, ô honte ! son épouse le suit. (8, 689) Tous s’élancent ensemble ; la mer, que soulèvent mille bras ramenés en arrière, écume sous l’airain des proues à la triple pointe. Ils cinglent au large ; on croirait voir les Cyclades, arrachées du fond des mers, nager sur les eaux, ou des monts heurter contre des monts : tant se poussent d’un lourd effort les masses de ces tours flottantes ! L’étoupe enflammée, le fer ailé des flèches volent lancés de part et d’autre ; un carnage nouveau rougit les champs de Neptune. La reine, au milieu de sa flotte, anime ses soldats des sons du sistre égyp-