Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/372

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se lève, revêt sa tunique, et entrelace ses pieds de la courroie tyrrhénienne ; il attache à son épaule et à son côté le glaive arcadien ; (8, 460) la peau d’une panthère retombe ramassée de son épaule gauche sur son sein. Deux chiens, ses gardes fidèles, s’avancent avec lui hors du seuil rustique, et accompagnent les pas de leur maître. Évandre gagnait le secret asile de son hôte Énée, se souvenant des entretiens de la veille, et du secours qu’il avait promis au héros troyen. Énée, non moins matinal, venait à lui. Ils se rencontrent, l’un accompagné de son fils Pallas, l’autre de son ami Achate. Ils s’abordent, se donnent la main l’un à l’autre, s’asseyent près du foyer, et commencent à jouir d’un libre entretien. Le roi, prenant la parole, dit à Énée :

(8, 470) « Illustre chef des Troyens, tant que vous vivrez, je ne croirai jamais que Troie est vaincue et l’empire d’Ilion tombé : les forces que je puis joindre aux vôtres dans la guerre sont bien médiocres pour une cause aussi grande que la vôtre. D’un côté le Tibre borne mes États ; de l’autre les Rutules nous resserrent, et le bruit de leurs armes retentit jusque sous nos murs. Mais je veux amener sous vos drapeaux de grandes nations, d’opulents royaumes : un hasard inespéré fait luire à vos yeux le jour du salut, les destins semblent vous avoir conduit exprès en ces lieux. Non loin d’ici s’élève, bâtie sur un antique rocher, la ville d’Agylla, où les Lydiens, (8, 480) célèbres dans la guerre, vinrent s’établir sur les monts d’Étrurie. Cette cité, longtemps florissante, passa depuis par les armes cruelles et sous l’empire superbe du roi Mézence. Vous dirai-je les meurtres effroyables, les barbares forfaits du tyran ? Dieux, faites-les retomber sur sa tête et sur toute sa race ! Le monstre attachait des corps vivants à des cadavres, (tourment nouveau) les mains aux mains, la bouche sur la bouche ; et il les regardait, tout dégouttants d’un sang infect, mourir d’une longue mort dans d’affreux embrassements. Enfin lassés de ses insupportables fureurs, ses sujets (8, 490) prennent les armes, l’environnent lui et son palais, massacrent ses gardes, et lancent des flammes jusqu’au faîte de l’exécrable édifice. Le tyran s’échappe au milieu du carnage, et se réfugie chez les Rutules ; aujourd’hui Turnus, son hôte, le protège de ses armes. Mais toute l’Étrurie s’est soulevée, dans sa juste fureur : elle redemande en armes le roi, pour le livrer au supplice. C’est à ces milliers d’hommes, Énée, que je veux donner un chef ; et ce chef, c’est vous. Déjà frémissent sur tout le rivage leurs vaisseaux rassemblés ; ils n’attendent que le signal. Mais un vieil aruspice les arrête, et leur dit ainsi les arrêts du destin : — "Ô vous, l’élite de la jeunesse de Méonie, (8, 500) la fleur des courageux guerriers vos ancêtres, vous qu’un juste ressentiment emporte contre un ennemi, vous qu’enflamme contre Mézence la plus sainte des colères, il n’est donné à aucun Italien de subjuguer la redoutable nation des Rutules ; choisissez des généraux étrangers." — L’armée des Étrusques s’arrête dans son camp,