Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/367

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avec de longs meuglements. Une des génisses répondit d’une voix gémissante, mugit au fond de l’antre vaste, et trahit le larcin et les espérances de Cacus. Alcide l’entend ; un fiel noir et brûlant allume la fureur dans son âme ; (8, 220) il saisit ses armes, sa noueuse et pesante massue, et s’élance vers les sommets aériens de la montagne. Alors nos peuples virent pour la première fois Cacus trembler : les yeux égarés, il fuit plus rapide que l’Eurus, gagne sa caverne ; la peur lui donnait des ailes. Il s’enferme dans l’antre, fait tomber ce roc énorme que l’adroite main de son père a suspendu à des chaînes de fer, les brise, et du roc abattu se fait un rempart. Mais voici que le héros de Tirynthe arrive au pied de la montagne ; il la parcourt tout entière pour y chercher un accès, et porte çà et là son regard (8, 230) en grinçant des dents : trois fois, bouillant de colère, il fait le tour du mont Aventin ; trois fois il attaque en vain les portes de roc du brigand ; trois fois lassé il se repose dans le vallon. Sur la croupe de la montagne était une roche pointue, et de tous côtés à pic ; elle s’élevait sur le dos de la caverne, à perte de vue, et offrait un sauvage asile aux oiseaux de proie. À gauche elle inclinait vers le fleuve par une pente précipitée : Hercule, appuyant tout son corps sur la droite, la pousse, l’ébranle et la déracine : elle tombe ; le ciel immense retentit de sa chute, (8, 240) la rive s’écroule, et le fleuve épouvanté recule vers sa source. Alors apparurent à la lumière la caverne, l’immense et effroyable palais de Cacus, ses voûtes ténébreuses et leurs profondes horreurs. Ainsi la terre, si par quelque choc violent elle s’entr’ouvrait jusque dans ses abîmes, découvrirait à nos regards les demeures infernales ; l’œil verrait les pâles royaumes détestés des dieux, plongerait dans l’immense gouffre du Tartare ; et les soudaines clartés du jour épouvanteraient les Mânes éblouis. Surpris tout à coup par cette lumière qu’il n’attendait pas, enfermé dans les cavités du roc, le monstre poussait de sauvages rugissements : du haut du mont, Alcide l’écrase de traits, se fait des armes de tout, (8, 250) l’accable de troncs d’arbres et de pierres énormes. Mais, ô prodige ! Cacus, qui ne peut plus fuir le péril, vomit de son gosier une immense fumée, enveloppe son repaire d’une épaisse obscurité, se dérobe aux yeux de son ennemi, et amasse sous son antre une nuit tourbillonnante, où se mêlent les feux et les ténèbres. Alcide ne contient plus sa rage, et d’un bond il se précipite au milieu des flammes, là où la fumée roule ses flots les plus épais, où bouillonnent les plus noires vapeurs qui remplissent la vaste caverne. Là il saisit Cacus vomissant dans les ténèbres ses vains feux ; (8, 260) il l’embrasse, il l’étreint, lui serre la gorge, fait jaillir ses yeux de leurs orbites, arrête le sang et la vie dans son gosier desséché. Soudain tombe le roc arraché, et s’ouvre la noire caverne : alors les génisses enlevées, et toutes les rapines niées par le brigand parjure, apparaissent à la lumière. On traîne par les pieds hors de l’antre son cadavre hideux ; on ne se