vage autour de Misène, le pleuraient, et rendaient les derniers honneurs à sa cendre insensible. D’abord ils élèvent un immense bûcher, sur lequel ils entassent les sapins résineux et les rameaux coupés du chêne : alentour on entrelace les guirlandes d’un noir feuillage ; on plante des cyprès funèbres devant le triste monument, et les armes brillantes du mort en décorent le faîte. Les uns préparent dans l’airain qu’échauffe la flamme des eaux bouillonnantes, lavent le corps glacé, et l’oignent de parfums. (6, 220) Des gémissements se font entendre. Alors on dépose sur un lit funéraire les restes déplorés du héros, et on y jette ses vêtements de pourpre, dépouilles bien connues ; les autres (triste et pieux ministère !) portent sur leurs épaules la funèbre litière, et mettant la torche au bûcher, à la manière de leurs pères, la tiennent allumée en détournant la tête. L’encens, les mets entassés sur le bûcher, l’huile répandue à pleines coupes, brûlent avec le corps. Quand les cendres se sont écroulées, et que la flamme a cessé de luire, on lave dans les flots de vin les débris et la poussière brûlante de l’incendie ; et Corynée recueillant les os les renferme dans une urne d’airain. (6, 229) Ensuite il porte trois fois autour de ses compagnons un rameau d’olivier imprégné d’une onde pure, répand sur eux une légère rosée, les purifie, et prononce les dernières paroles. Le pieux Énée fait élever sur une haute montagne un immense tombeau, et veut qu’on y place les armes du héros, une rame et une trompette. Aujourd’hui la montagne retient le nom de Misène, et le perpétue à travers les siècles.
Ces cérémonies achevées, Énée se hâte d’exécuter les ordres de la Sibylle. Au milieu de sombres bois est une caverne profonde, rocailleuse, vaste et béante, et qu’un lac aux eaux noires défend de l’abord des mortels. (6, 239) Au-dessus de l’antre nul oiseau ne peut, déployant ses ailes, traverser impunément les airs : tant le sombre gouffre exhale de vapeurs impures qu’il pousse jusqu’aux plus hautes régions des cieux : de là vient que les Grecs lui ont donné le nom d’Aveme. Là d’abord la prêtresse fait amener quatre taureaux noirs, et verse du vin sur leurs fronts : elle leur coupe le poil entre les cornes, et, pour premier hommage aux divinités des enfers, elle le brûle sur les autels sacrés, invoquant Hécate, toute-puissante au ciel et dans l’empire de l’Erèbe. Les sacrificateurs plongent le couteau dans la gorge des victimes, et des coupes reçoivent le sang encore tiède. Énée lui-même frappe de son épée une jeune brebis à la toison noire, (6, 250) offrande agréable à la Nuit, mère des Euménides, et à la Terre, sa sœur ; à toi, Proserpine, il immole une vache stérile. Alors se dressent pour le roi du Styx les autels de nuit ; on jette dans les flammes les corps entiers des taureaux, et l’huile onctueuse coule, répandue sur leurs entrailles torréfiées. Voilà qu’aux premières lueurs du soleil naissant, la terre commence à mugir, la cime des forêts tremble au sommet des montagnes, et les chiens font entendre des hurlements dans l’ombre : c’est la déesse qui approche : « Loin d’ici, profanes, s’écrie la Sibylle, loin d’ici, et sortez tous de ce bois sacré ! (6, 260) Et toi, Enée, marche avec moi, et l’é-