Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/289

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peuples, unis par la naissance et par les mêmes infortunes, ceux de l’Épire et de l’Hespérie, qui tous ont Dardanus pour père, ne feront un jour qu’une seule Troie, n’auront qu’un même esprit. Puissent ces sentiments animer nos derniers neveux !"

« Enfin nous nous avançons en mer ; nous côtoyons les hauteurs de Céraunium, d’où le trajet en Italie est rapide et court. Cependant ie soleil se précipite dans les flots, et les monts se couvrent d’ombres épaisses. Le sort partage aux rameurs leurs travaux ; enfin nous nous couchons près de l’onde sur le sein de cette terre tant désirée ; étendus çà et là sur la grève aride, (3, 511) nous rafraîchissons nos corps fatigués, et le sommeil nous verse ses douces langueurs. La Nuit, menée par les Heures, n’atteignait pas encore le milieu de sa carrière, quand le diligent Palinure se lève, explore les vents, a l’oreille à tous les souffles de l’air. Il observe les astres glissant sous un ciel silencieux, l’Ourse, les deux Trions, les Hyades pluvieuses, Orion resplendissant au loin dans son armure d’or. Après qu’il a vu les cieux partout fermes et sereins, il donne du haut de la poupe le signal retentissant de l’airain ; nous levons le camp, (3, 520) nous cherchons encore une route sur les eaux, et déployons aux vents les ailes de nos vaisseaux.

« Déjà l’Aurore avait fait fuir les étoiles et rougissait l’horizon de ses feux, quand de loin nous vîmes des collines encore obscures et l’Italie poindre au-dessus des eaux. "Italie, Italie !" s’écrie le premier Achate. "Italie !" répondent nos compagnons en saluant la terre par mille cris d’allégresse. Alors mon père Anchise couronne de feuillage une vaste coupe, la remplit de vin, et, debout sur la poupe, adresse cette prière aux dieux : "Dieux des mers et de la terre, maîtres souverains des tempêtes, donnez-nous encore un vent propice, encore un souffle heureux." (3, 530) Il dit, et l’air fraîchit dans nos voiles frissonnantes ; nos vœux sont comblés ; le port se découvre de plus près ; un temple de Minerve apparaît sur les hauteurs. Nos compagnons plient les voiles, et tournent les proues vers le rivage. Creusé à l’orient, le port se recourbe en arc ; deux rochers le cachent en s’avançant dans la mer ; battus par les rafales écumeuses, et pareils à deux tours, ils projettent au loin leurs bras et ferment par un double mur la baie tranquille : le temple, à notre approche, paraît s’enfuir du rivage. Je pris terre, et, pour premier présage, je vis quatre chevaux, blancs comme la neige, qui paissaient dans la plaine. Alors Anchise : "C’est la guerre, ô terre hospitalière, la guerre que tu portes ; (3, 540) les coursiers sont armés pour la guerre ; ceux-ci nous menacent de la guerre. Mais pourtant ces mêmes coursiers s’accoutument à courber la tête sous un char, et à porter ensemble et le joug et le frein : c’est une espérance de paix. " Il dit, et nous d’implorer la puissance révérée de Pallas à l’armure sonnante, de Pallas qui la première accueillait nos vaisseaux triomphants. Prosternés devant ses autels, nous couvrons nos têtes d’un voile phrygien, et, suivant