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de petit-lait : avec ces gardiens fidèles tu n’as à redouter pour tes étables ni les voleurs de nuit, ni les incursions des loups ; tu n’as pas à craindre que les brigands en armes de l’Ibérie ne te prennent par derrière. Souvent aussi tu forceras à la course les timides onagres ; (3, 410) tes chiens lasseront et le lièvre, et le daim ; souvent avec ta meute aboyante tu relanceras le sanglier débusqué de sa bauge fangeuse, et sur les hautes montagnes, pressant de tes cris un grand cerf, tu le pousseras dans tes filets.

Sache aussi allumer dans les étables le cèdre odorant, et poursuivre, avec la vapeur ardente du galbanum, les serpents enfumés. Souvent la vipère horrible à toucher se cache sous les crèches immobiles, pour fuir la lumière qui la trouble ; ou encore la couleuvre qui aime à être à couvert et à l’ombre, la couleuvre, cette peste des troupeaux, qu’elle infecte de son venin, (3, 420) vient se blottir sous terre dans ton étable : vite, berger, vite une pierre, un bâton ; le reptile se dresse menaçant, il gonfle et fait siffler son cou ; frappe : il a fui ; il a déjà caché sa tête tremblante : mais les cercles de son corps tortueux et les anneaux de sa queue se déroulent encore ; un dernier pli se traîne lentement sur l’arène.

Il est dans les forêts de la Calabre un serpent de la pire espèce : couvert d’écailles, il rampe fièrement assis sur sa croupe ; il a le ventre long et marqué de grandes taches. Quand l’urne brisée des fleuves s’épanche, quand au printemps les terres sont trempées des pluies de l’auster, (3, 430) il habite le bord des étangs, et là il engloutit dans son ventre affamé les poissons et les grenouilles coassantes. Mais après que l’été brûlant a tari les marais et fendu les terres partout béantes, le reptile s’élance sur le sol aride, roule ses yeux enflammés ; irrité par la soif, rendu furieux par la chaleur, il porte le ravage dans les campagnes. Me préserve le ciel de goûter le doux sommeil en plein air, de me coucher sur l’herbe des pentes boisées, alors que, faisant peau nouvelle et tout brillant de jeunesse, il se roule à terre, et que, laissant dans son trou ses œufs ou ses petits, il se dresse au soleil et darde une triple langue !

(3, 440) Je t’expliquerai maintenant les causes et les signes des maladies qui affligent les troupeaux. Souvent une gale honteuse infecte les brebis, quand une froide pluie ou les âpres frimas de l’hiver les ont pénétrées jusqu’au vif, ou quand nouvellement tondues elles retiennent une sueur mal essuyée, ou enfin quand les ronces et les épines ont déchiré leurs corps. C’est pour prévenir ce mal que les bergers baignent dans l’eau douce des rivières le troupeau tout entier : le bélier plongé dans l’endroit le plus creux y lave sa toison submergée, et s’abandonne en nageant à la pente du fleuve. Tu peux encore, tondant tes bêtes malades, les frotter d’un onguent que tu composeras de marc d’huile d’olive, de l’écume de l’argent, de soufre vif, (3, 450) de poix et de cire grasse. On y joint le suc d’ognon de mer, l’hellébore, et le bitume noir. Mais le meilleur