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flamme de l'autel, et où ses compagnons remplissent leurs coupes jusqu'aux bords, il t'invoque, ô Bacchus, en te faisant des libations : (2, 530) tantôt fixant à l'orme un but pour le javelot rapide, il propose des prix aux bergers ; tantôt il les voit exercer à des luttes champêtres leurs corps nus et nerveux.

Ainsi vivaient les anciens Sabins ; ainsi vécurent les frères Romulus et Rémus : c'est par là que s'accrut la belliqueuse Étrurie, et que Rome devint la merveille du monde, et que, seule entre les cités, elle renferma sept collines dans ses murs. Même avant le règne de Jupiter, avant que la race impie des mortels eût osé se nourrir de la chair des taureaux égorgés, Saturne, en cet âge d'or, menait cette simple vie sur la terre. Alors le clairon des batailles n'avait pas encore enflé sa voix, et (2, 540) le marteau ne forgeait pas encore les épées sur l'enclume retentissante.

Mais j'ai parcouru une assez vaste carrière ; il est temps de dételer mes coursiers fumants.






LIVRE III.

(3, 1) Et toi aussi, grande Palès, et toi, illustre pasteur d'Amphryse, et vous, bois et fontaines du mont Lycée, je vais vous chanter. Toutes les merveilles de la poésie, qui pouvaient captiver les esprits inoccupés des peuples, sont aujourd'hui rebattues. Qui ne connaît pas le cruel Eurysthée ou les sanglants autels de l'infâme Busiris ? Qui est-ce qui n'a pas chanté l'enfant Hylas, Latone et la flottante Délos, Hippodamie, et Pélops si célèbre par son épaule d'ivoire, Pélops, l'intrépide dompteur de chevaux ? Je veux me frayer une route où je puisse à mon tour m'élever au-dessus de la terre, et, glorieux, faire voler mon nom de bouche en bouche. (3, 10) Moi le premier, que je vive seulement, je viendrai dans ma patrie amenant avec moi, des sommets de leur Hélicon, les Muses thébaines : ô Mantoue, je serai le premier qui te rapporterai les palmes d'Idumée, le premier qui élèverai un temple de marbre dans tes vertes campagnes, près des eaux, là où le Mincio serpente lentement, et voit ses longs rivages bordés de tendres roseaux. Au milieu de ce temple sera César, qui le remplira de sa divinité. Et moi, dans la pompe des triomphateurs, et tout resplendissant de la pourpre de Tyr, je ferai voler, en son honneur, sur les bords du fleuve, cent chars à quatre chevaux. À ma voix, toute la Grèce, abandonnant les rives de l'Alphée et les bois de Molorchus, (3, 20) y viendra disputer le prix de la course, ou du ceste aux rudes lanières. La tête ornée du feuillage de l'olivier, c'est moi qui distribuerai les dons aux vainqueurs. Déjà je vois s'avancer vers le temple la pompe joyeuse et solennelle ; je vois tomber les taureaux immolés : la scène m'apparaît avec ses tableaux changeants ; et les Bretons vaincus semblent lever la toile où est peinte leur ignominie. Je veux sur les portes du temple représenter en or et en ivoire les combats livrés aux Gangarides, les armes victorieuses de Quirinus, le Nil coulant au large et enflant ses eaux qui portent la guerre, et l'airain des vaisseaux s'élevant en colonnes dans les airs. (3, 30) On y verra les villes de l'Asie domptée, l'habitant du Niphate