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chus, que je chanterai, et avec toi les arbres des forêts, et le fruit du tardif olivier. Viens, père de la vigne ; tout ici est plein de tes dons ; par toi la terre embellie se charge des pampres de l'automne ; par toi la vendange coule à pleins bords dans les pressoirs écumants : dieu des raisins, mets bas tes cothurnes, et viens avec moi rougir tes jambes nues dans les flots d'un vin nouveau.

D'abord les arbres naissent d'une manière très-diverse. (2, 10) Les uns, sans y être forcés par la main des hommes, viennent d'eux-mêmes dans les champs, et croissent à l'aventure le long des fleuves tortueux, comme l'osier flexible, les tendres genêts, le peuplier, et le saule dans sa verdoyante blancheur. Les autres poussent après avoir été semés, tels que les hauts châtaigniers, l'arbre chéri de Jupiter, le plus grand des chênes, et le plus petit dans l'espèce, à qui la Grèce demandait des oracles. Certains arbres voient pulluler à leurs racines une forêt de rejetons, comme le cerisier et l'orme, et encore le laurier du Parnasse, faible enfant qui croît en s'abritant sous l'ombre immense de sa mère. (2, 20) Telles sont les voies suivies dès le principe par la nature ; ainsi verdit l'espèce entière des hautes futaies, des taillis, des bois sacrés.

Il est d'autres voies détournées que s'est frayées l'expérience. Les uns, tranchant au vif dans le tronc maternel, en arrachent des rejetons qu'ils plantent. Les autres enfoncent dans la terre des souches entières, de grosses branches fendues en quatre, des pieux qu'ils aiguisent par le pied. Ailleurs ce sont des arbres dont les branches courbées en arc, et ensevelies dans le sol natal, y attendent toutes vivantes l'instant de renaître d'elles-mêmes. Quelques arbres se passent même de racines ; et l'émondeur n'hésite pas à confier à la terre la pointe seule des boutures. (2, 30) Mais, ô prodige ! un tronc d'olivier est coupé, et ce bois sec et sans vie pousse dans la terre de nouvelles racines. Souvent nous voyons des branches greffées se changer en celles d'un autre arbre sans l'endommager, le pommier transformé produire des poires, et la cornouille pierreuse se teindre des couleurs de la prune. N'ayez de cesse, ô laboureurs, que vous ne connaissiez par les espèces la culture qui leur est propre : domptez par la greffe l'âpreté des fruits sauvages. Point de terres oisives et incultes : couvrons de vignes l'Ismare, et que je voie le haut Taburne se revêtir d'oliviers.

(2, 40) Et toi, Mécène, toi, ma gloire et ma vraie renommée, viens, je t'appelle ; et, t'élançant avec moi sur la vaste mer, donne du souffle à ma voile. Je ne veux pas embrasser dans mes vers toute la nature : le pourrais-je, quand même j'aurais cent langues et cent bouches, avec une voix de fer ! Viens côtoyer avec moi le rivage ; et que nos mains ne se détachent pas de la terre. Je ne te fatiguerai ni par de vaines fictions, ni par de longs détours, ni par un fastidieux exorde.

Les arbres qui s'élèvent d'eux-mêmes dans la lumière des airs sont, il est vrai, stériles ; mais ils poussent plus beaux et plus forts : c'est que la nature nourrit mieux le fonds où ils viennent