Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/205

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immense amas d’eau s’étendait sur les cieux ; et les nuages, couvant dans leur sein ténébreux les pluies accumulées, se rassemblaient de tous les points de l’horizon. Tout à coup le ciel descend en eaux, et des torrents de pluie noient les riantes moissons, engloutissent les beaux travaux des bœufs : les fossés sont remplis, les fleuves débordent avec fracas, et la mer gronde dans ses golfes bouillonnants. Jupiter lui-même, du sein de la nuée ténébreuse, lance sa foudre d’une main étincelante ; (1, 330) la terre ébranlée tremble au loin ; les animaux ont fui ; et une sainte épouvante abat chez les nations les cœurs des mortels. Cependant le dieu, d’un de ses traits enflammés, renverse les sommets de l’Athos, du Rhodope et des monts Cérauniens : les vents redoublent ; la pluie tombe à flots : j’entends les bois siffler, et la rive au loin gémir. Pour prévenir ces maux, observe les mois et les astres qui les ramènent ; regarde de quel côté des cieux se rapproche la froide étoile de Saturne, dans quels orbes lumineux vont errer les feux de Mercure.

Surtout honore les dieux ; et, chaque année, quand l’hiver s’en va et que le printemps a déjà des jours sereins, offre à Cérès, sur le riant gazon, le sacrifice qu’elle aime. (1, 341) Alors les agneaux sont gras, les vins sont délicats ; alors recommencent les doux sommeils sur la pente ombragée des coteaux. Que toute la jeunesse des champs vienne avec toi adorer Cérès ; offrez-lui des gâteaux de miel, délayés dans le vin et le lait ; que la victime, chargée d’espérances, soit promenée trois fois autour des moissons nouvelles, et que tout le chœur champêtre l’accompagne en triomphe : appelez à grands cris Cérès dans vos demeures ; et que personne ne mette la faucille dans ses blés mûrs avant que, le front ceint d’une branche de chêne, il n’ait, joyeux danseur, sauté d’un pied rustique, et entonné l’hymne à Cérès.

(1, 351) Afin que des signes certains nous fissent prévoir la chaleur, la pluie, et les vents qui poussent les frimas devant eux, Jupiter lui-même a réglé d’avance ce que les lunes nous annonceraient, et sous quel signe l’auster fondrait sur la terre : avertis à temps, les laboureurs tiennent leurs troupeaux plus près des étables. Tout à coup les vents s’élèvent ; la mer agitée commence à s’enfler ; la montagne fait entendre de lointains éclats ; de longs mugissements courent sur la plage ; le bruit redouble dans les forêts murmurantes. (1, 360) Hélas ! le flot n’épargne guère les flancs creux du navire, quand les plongeons rapides s’envolent de la haute mer et poussent des cris aigus en touchant au rivage, quand les poules d’eau s’ébattent à sec sur le sable, quand le héron abandonne ses marais, et s’élance, en tirant de l’aile, par delà les plus hautes nues !

Souvent aussi, quand la tempête est imminente, tu verras des étoiles tomber en glissant des cieux, et laisser derrière elles, à travers les ombres de la nuit, de longues traînées d’une blanche lumière. Souvent tu verras voltiger la paille légère et la feuille tombée de sa branche, ou bien encore des plumes nager en tournoyant