Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/199

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vante les merveilles de ses champs Élysiens, et que Proserpine redemandée par sa mère ne se soucie pas de la suivre ?) (1, 40) ô César, rends-moi la carrière facile, applaudis à mon entreprise audacieuse ; et, prenant en pitié avec moi les laboureurs ignorants et égarés, viens nous frayer la route ; et dès aujourd’hui accoutume-toi à t’entendre nommer dans nos vœux.

Le printemps revenu, quand les neiges commençant à fondre coulent du sommet des montagnes, quand la glèbe amollie cède à la douce haleine des zéphyrs ; que tes taureaux commencent à gémir affaissés sous le joug, et que le soc de ta charrue brille dans les sillons, et y essuie sa rouille. Une terre ne répond à la fin aux vœux du laboureur avide qu’après qu’elle a senti deux fois les ardeurs de l’été, deux fois les glaces de l’hiver ; c’est alors qu’il voit ses greniers crouler sous les moissons entassées. (1, 50) Mais avant d’enfoncer le soc dans un sol inconnu, aie soin d’observer les vents et leurs influences, les températures diverses, la nature des lieux, les traditions antiques de la culture, et ce que chaque contrée peut et ne peut pas produire. Ici les moissons viennent heureusement, là les vignes ; ailleurs les arbres fruitiers, et les herbages naissent et verdissent comme d’eux-mêmes. Ne sais-tu pas que le Tmole est tout parfumé de safran, que l’Inde nous envoie son ivoire, la molle Arabie l’encens de Saba, les Chalybes aux bras nus leur fer, le Pont l’onguent précieux de ses castors, l’Épire ses cavales, qu’attendent les palmes d’Olympie ? (1, 60) Telles furent, dès le principe, les lois éternelles, telle la constitution propre que la nature assigna à chaque terre, alors que Deucalion jeta dans le monde dépeuplé ces pierres fécondes, d’où naquirent de nouveaux hommes, race dure comme elles. À l’œuvre donc ! et, dès les premiers mois de l’année, que tes taureaux vigoureux retournent les terres grasses, et que l’été poudreux vienne mûrir la glèbe pulvérisée par ses feux. Mais si ton sol est sec et ingrat, qu’au retour du Bouvier ta charrue en effleure à peine la surface : ainsi, dans les terres grasses, l’herbe n’étouffera point tes blés en pousse ; (1, 70) ainsi un sol sablonneux ne perdra pas le peu de suc qu’il retient encore.

Fais reposer un an tes champs moissonnés, et que la terre se durcisse inculte et délaissée : ou bien tu sèmeras, à la saison nouvelle, le pur froment dans le terrain d’où tu auras enlevé les légumes à la cosse tremblante, les maigres grains de la vesce, le triste lupin et ses frêles chalumeaux, tous les débris de cette moisson retentissante ; car le lin et l’avoine brûlent la terre où on les a récoltés, et le pavot, tout chargé des vapeurs du Léthé, la consume. Cependant elle peut recevoir les grains de deux années l’une, (1, 80) pourvu que tu ne craignes pas de refaire par de riches engrais le sol aride et épuisé, et d’y répandre à pleines mains une immonde cendre. Ainsi les champs reposent en changeant de semences : et même une terre que tu as laissée un an sans être labourée ne cesse pas d’être libérale.

Souvent il est bon de mettre le feu à un champ stérile, et d’en faire dévorer les chaumes flétris par la flamme pétillante : soit que la terre tire