Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/192

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à mon heure dernière. Commence avec moi, ô ma flûte, commence des accords dignes du Ménale. Le Ménale a toujours des forêts mélodieuses, des voix dans ses pins ; il entend sans cesse les bergers chantant leurs amours, et Pan qui le premier ne laissa pas les pipeaux languir inutiles. Commence avec moi, ô ma flûte, commence des accords dignes du Ménale. Nisa a Mopsus : amants, que n’espérons-nous pas ? On va voir les griffons s’unir aux cavales, et désormais les daims timides iront avec les chiens se désaltérer à la même source. Prépare, Mopsus, de nouveaux flambeaux ; on te donne une épouse ; (8, 30) mari, répands les noix : pour toi Vesper abandonne l’Œta. Commence avec moi, ô ma flûte, commence des accords dignes du Ménale. Ô Nisa, bien digne d’un tel époux, tandis que tu nous méprises tous, que ma flûte, que mes chèvres te déplaisent, que tu hais mes sourcils hérissés, ma longue barbe, crois-tu qu’il n’est point de dieu qui se mêle des choses humaines ? Commence avec moi, ô ma flûte, commence des accords dignes du Ménale. Je t’ai vue, toi enfant, et ta mère (je vous conduisais toutes deux), cueillir dans nos jardins des pommes humides de rosée : ma douzième année commençait, (8, 40) et déjà je pouvais atteindre de terre aux fragiles rameaux. Je te vis, je brûlai, un funeste délire emporta mes sens. Commence avec moi, ô ma flûte, commence des accords dignes du Ménale. Maintenant je sais ce que c’est que l’amour : il est né des durs rochers de l’Ismare, du Rhodope, chez le Garamante, aux extrémités de la terre ; cet enfant n’a rien de nous, rien de notre sang. Commence avec moi, ô ma flûte, commence des accords dignes du Ménale. Le cruel Amour a forcé une mère à souiller ses mains du sang de ses propres enfants : et toi aussi, ô mère, tu fus cruelle : mais qui des deux le fut davantage ? (8, 50) Oui, l’Amour fut cruel ; et toi, ô mère, tu le fus aussi. Commence avec moi, ô ma flûte, commence des accords dignes du Ménale. Que le loup maintenant fuie les brebis ; que les chênes durs portent des pommes d’or ; que le narcisse fleurisse sur l’aune ; que les bruyères distillent de leur écorce l’ambre onctueux ; que les hiboux le disputent aux cygnes ; que Tityre soit Orphée, Orphée dans les forêts, Arion parmi les dauphins. Commence avec moi, ô ma flûte, commence des accords dignes du Ménale. Oui, que tout devienne Océan. Adieu, forêts ; je vais, du haut de la roche aérienne, me précipiter dans les ondes. (8, 60) Nisa, reçois ce dernier hommage d’un amant qui meurt pour toi. Ô ma flûte, cesse tes accords dignes du Ménale. Ainsi chanta Damon : Muses, dites-nous ce que répondit Alphésibée ; tous ne peuvent pas tout dire.

ALPHÉSIBÉE.

Apporte de l’eau, Amaryllis, et pare ces autels de molles bandelettes ; brûle la grasse verveine et l’encens mâle : je veux essayer par un sacrifice magique de tirer de leur lâche tiédeur les sens de mon amant : oui, je n’ai plus qu’à recourir aux enchantements. Ramène de la ville en