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CORYDON.

J’ai ici le genièvre et la châtaigne hérissée ; les fruits tombés sous les arbres jonchent partout la terre ; tout rit aujourd’hui. Mais si le bel Alexis s’en allait de ces montagnes, on verrait les fleuves eux-mêmes tarir.

THYRSIS.

Nos champs sont arides ; l’air embrasé fait mourir nos herbes altérées ; Bacchus lui-même envie à nos coteaux les pampres qui les ombrageaient : mais que ma Phyllis revienne, et tout le bois reverdira, (7, 60) et les cieux descendront en pluie féconde sur nos campagnes.

CORYDON.

Le peuplier est agréable à Hercule, la vigne à Bacchus, le myrte à la belle Vénus, le laurier à Apollon. Phyllis aime les coudriers : tant que Phyllis les aimera, le myrte ne l’emportera pas sur les coudriers, non plus que le laurier de Phébus.

THYRSIS.

Le frêne embellit nos forêts, le pin nos jardins, le peuplier les fleuves, le sapin les hautes montagnes : mais si tu viens, beau Lycidas, me voir plus souvent, le frêne dans nos forêts, le pin dans nos jardins, le céderont à toi.

MÉLIBÉE.

Je me souviens de ces vers, et que Thyrsis disputa vainement la victoire : (7, 70) et, depuis ce temps-là, Corydon est toujours pour moi sans égal.






ECLOGUE VIII.
LES ENCHANTEMENTS.


DAMON ET ALPHÉSIBÉE.

(8, 1) Je dirai les chants et le combat des bergers Damon et Alphésibée : la génisse charmée oublia pour les entendre l’herbe des prairies ; les lynx s’arrêtèrent, saisis de leurs accords ; les fleuves suspendirent leurs cours, et se reposèrent : je dirai les chants de Damon et d’Alphésibée.

Illustre Pollion, soit que tu franchisses déjà les rochers du Timave, soit que tu côtoyes les rivages de la mer Illyrienne, ne viendra-t-il jamais ce jour, où il me sera permis de chanter tes hauts faits ? Me sera-t-il jamais permis de répandre dans le monde entier (8, 10) tes vers, les seuls dignes du cothurne de Sophocle ? Ma muse a commencé par toi, par toi ma muse finira : reçois ces vers composés par ton ordre, et souffre que ce lierre s’enlace sur ton front avec les lauriers de la victoire.

Les froides ombres de la nuit s’étaient retirées des cieux ; c’était l’heure où la rosée est la plus agréable aux troupeaux. Damon, appuyé sur le bois poli de l’olivier, préluda ainsi :

DAMON.

Parais, étoile du matin, et, prévenant le jour, ramène sa douce lumière : trompé dans mon amour par la perfide Nisa, je me plains d’elle ; et quoiqu’il ne m’ait rien servi d’avoir pris les dieux à témoin, (8, 20) mourant je les invoque encore