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Corydon contre Thyrsis ! Cependant je laissai pour leurs jeux mes affaires sérieuses. Ils commencèrent donc à chanter tour à tour ; les Muses voulaient que tour à tour ils dissent leurs vers. (7, 20) Corydon chantait le premier, et Thyrsis répondait dans un ordre pareil.

CORYDON.

Nymphes de Béotie, vous que j’aime, donnez-moi de chanter des vers tels que ceux que vous inspirâtes à mon cher Codrus ; ils approchent de ceux d’Apollon : ou, si je ne peux les égaler tous, que ma flûte rebelle demeure suspendue à ce pin sacré.

THYRSIS.

Bergers d’Arcadie, couronnez de lierre un poëte grandissant, et que Codrus en crève de dépit ; ou s’il me loue à m’en dégoûter, ceignez ma tête de baccar, de peur que sa langue envieuse ne porte malheur au poëte futur.

CORYDON.

Diane, le petit Mycon vous offre cette tête velue d’un sanglier, (7, 30) et la vivante ramure d’un cerf : si ma chasse est toujours aussi heureuse, votre image, du marbre le plus poli, s’élèvera par mes mains, chaussant le cothurne de pourpre.

THYRSIS.

Priape, je t’offre tous les ans un vase plein de lait, et ces gâteaux ; c’est assez attendre de moi : tu es le gardien d’un si pauvre jardin ! Jusqu’à présent je t’ai fait de marbre, c’est tout ce que j’ai pu : mais si mes brebis sont bien fécondes, tu seras d’or.

CORYDON.

Fille de Nérée, charmante Galatée, plus douce à mes sens que le thym de l’Hybla, plus blanche que les cygnes, plus belle que le lierre blanc, dès que mes taureaux seront revenus du pâtis à l’étable, (7, 40) si tu as quelque bonté pour ton Corydon, viens à lui.

THYRSIS.

Et moi, je veux bien te paraître plus amer que les herbes de Sardaigne, plus hérissé que le houx, plus vil que l’algue rejetée par les mers, si ce jour loin de toi ne m’est pas déjà plus long qu’une année. Allez, mes taureaux, vous n’avez pas de honte ! c’est assez paître, allez à vos étables.

CORYDON.

Fontaines moussues, herbe plus molle que le sommeil, verts arbrisseaux qui les couvrez d’une ombre rare, défendez mon troupeau des feux du solstice. Voici venir la saison brûlante, et déjà la vigne réjouie enfle ses bourgeons.

THYRSIS.

Dans ma cabane brillent le foyer et la torche résineuse ; j’y ai toujours grand feu, (7, 50) et la porte en est sans cesse noircie par la fumée. Là, nous craignons autant le souffle glaçant de Borée, que le loup le nombre des agneaux, un torrent sa rive.