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halaison de la pierre n’a pas la vertu d’imprimer à toutes choses le même élan. Quelques-unes demeurent inébranlables sous leur poids, comme l’or. D’autres, matières si lâches que cette vapeur y passe sans obstacle, n’offrent aucune prise à l’impulsion : (6, 1060) la substance du bois est évidemment de ce genre. Mais le fer, essence qui tient le milieu entre ces deux natures, à peine absorbe-t-il quelques parcelles d’airain, qu’il se voit ébranler au choc du torrent magnétique.

Encore ces phénomènes ne sont-ils pas si étrangers au reste des corps, que mille faits analogues ne me fournissent de quoi citer mille liaisons extraordinaires.

Tu vois d’abord que la chaux seule joint un amas de pierres, que la seule colle de taureau enchaîne la matière des planches ; et un défaut du bois ouvre leurs veines plus souvent (6, 1070) que la colle ne relâche ses nœuds.

La vigne ose mêler sa liqueur jaillissante à l’eau des fontaines ; ce que ne peuvent ni la poix trop lourde, ni l’huile trop légère.

L’éclat du coquillage de pourpre se marie et s’incorpore à la laine, au point d’en être à jamais inséparable : oui, dût-on employer les flots de Neptune à déteindre l’étoffe ; oui, toute la mer dût-elle la baigner de toutes ses ondes !

Enfin, un corps unique soude l’or à l’or, et le cuivre se voit unir au cuivre par l’étain.

Que d’alliances pareilles je puis trouver encore ! mais à quoi bon ? (6, 1080) Tu n’as aucun besoin de ces longs détours ; et moi, il ne convient pas que j’y dépense tant d’efforts inutiles. Mieux vaut embrasser mille choses en quelques mots. Lorsque des corps, des tissus, se rencontrent avec de si harmonieuses oppositions que les saillies des uns répondent aux cavités des autres, leur union est parfaite. Il peut arriver aussi que des espèces d’anneaux ou de crochets les enlacent, les tiennent mutuellement enchaînés ; et voilà quel doit être surtout le lien de l’aimant et du fer.

Maintenant expliquons la cause des maladies, et de quelle source (6, 1090) peuvent naître tout à coup ces influences malsaines, qui répandent au loin la mortalité sur la race des hommes et sur les troupeaux de bétail. D’abord, je te l’ai enseigné plus haut : s’il y a mille espèces de semences favorables à notre vie, mille autres au contraire, qui engendrent la maladie et la mort, volent nécessairement ici-bas. Quand le hasard les amasse, quand elles troublent la pureté du ciel, les airs deviennent malsains. Ces tempêtes de maladies, ces pestes, un climat lointain nous les envoie, comme les nuages et les brouillards, à travers la haute voûte des cieux ; ou bien elles jaillissent (6, 1100) et montent de la terre même dont les entrailles humides se gâtent, une fois battues de pluies et de chaleurs intempestives.

Ne vois-tu pas, aussi, que le changement d’air et d’eau porte atteinte à ceux qui voyagent loin de leur patrie et de leurs foyers ? Il faut l’imputer aux vives oppositions de la température. Quelle différence, en effet, nous offre le ciel des Bretons et celui de l’Égypte, où penche l’axe du monde ! quelle différence dans l’air, du Pont