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rapide du son : l’odeur y coule, le froid aussi, et l’ardeur du feu. Que dis-je ? Cette ardeur traverse même la dure essence du fer, à l’endroit où la cuirasse fait le tour du cou et l’emprisonne. Des influences malsaines nous envahissent également de l’extérieur ; et la tempête échappée de la terre et du ciel, on dit avec raison qu’elle va se perdre dans le ciel et la terre : car le monde ne renferme que des corps au tissu poreux.

(6, 960) Ajoute qu’il n’est pas donné à toutes les matières que jettent les assemblages, de produire les mêmes impressions, ni de former avec toutes choses les mêmes alliances.

Le soleil cuit et dessèche la terre, mais il résout la glace ; mais les hautes neiges amoncelées sur les hautes montagnes, ses rayons les obligent de fondre ; et la cire, exposée à son ardente vapeur, devient liquide. Le feu est prompt aussi à faire couler l’airain, à dissoudre l’or ; mais il contracte la peau, la chair, et les ramasse. Les eaux fluides durcissent à leur tour le fer qui sort de la fournaise ; (6, 970) mais la chair et la peau, que durcit la chaleur, y sont amollies. Les chèvres à la barbe longue aiment tant l’olivier, qu’il semble ruisseler pour elles de nectar et d’ambroisie : or, il n’est pas d’arbre qui pousse une feuille plus amère au goût des hommes. Enfin, le pourceau fuit la marjolaine, et craint tous les parfums ; car les porcs hérissés de soies trouvent un venin énergique dans ces odeurs, qui opèrent quelquefois en nous une sorte de retour à la vie. La fange, au contraire, la fange, qui est pour nous si affreuse, leur paraît si charmante, qu’ils s’y roulent et s’y engloutissent avec une ardeur insatiable.

(6, 980) Avant d’aborder le point en question, il me reste encore, je pense, une chose à dire. Les corps divers ayant de nombreux interstices, il faut que ces interstices soient diversement organisés : il faut que chacun ait une nature et offre une voie particulière. Oui, car les animaux possèdent des sens distincts, et chaque organe ne reçoit que l’objet qui lui est propre. Ne vois-tu point, en effet, que le son a d’autres routes que le goût des sucs nourrissants, que l’haleine embaumée des odeurs ? De plus, autres sont les corps répandus à travers l’airain, (6, 990) autres ceux qui pénètrent le bois, autres ceux qui fendent l’or : ne le vois-tu point aussi ? Et par l’argent il s’écoule autre chose que par le verre, puisque le verre s’ouvre à l’image, et l’argent à la chaleur. Et puis, les émanations franchissent plus ou moins vite les mêmes pores. Ainsi le veut la nature de ces routes variées de mille façons, comme je viens de le montrer plus haut, par la différence de l’organisation et du tissu dans les êtres.

Une fois que ces idées fondamentales reposent affermies sur leur base, et nous préparent le terrain d’avance, le reste est facile : tout s’éclaircit, (6, 1000) et l’on voit apparaître la cause qui attire l’essence du fer.

D’abord il faut que de l’aimant jaillissent une foule d’atomes, sorte de vapeur écumante qui bat et dissipe tout l’air interposé entre la pierre