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nocturne, se rallume avant d’avoir touché la flamme ? Et la torche de même. Et bien d’autres matières, frappées de la vapeur chaude, s’embrasent de loin, avant que le feu ne les pénètre sous un choc immédiat. Or, on peut croire que le même fait a lieu dans la source.

Pour achever, maintenant je vais dire quelle loi de la Nature veut que le fer obéisse à l’attrait de cette pierre que les Grecs, dans leur langue, appellent magnétique [908], (6, 910) parce que c’est au pays des Magnésiens qu’elle a pris naissance.

Cette pierre fait l’admiration des hommes. Oui, car elle forme souvent une chaîne d’anneaux qui se tiennent eux-mêmes suspendus. Tu peux quelquefois les voir, au nombre de cinq ou de plus encore, descendre en une série flottante au vent, qui l’agite d’une légère haleine. L’un tient à l’autre, s’y attache en dessous ; et ils ne connaissent entre eux d’autre appui, d’autre nœud que la pierre : tant elle propage au loin l’empire d’un attrait irrésistible !

Dans les phénomènes de ce genre, mille principes doivent être bien établis, avant que le fait même ne reçoive d’explication. (6, 920) C’est par d’interminables détours qu’il faut gagner le but. Aussi j’implore de toi une oreille et une âme attentives.

D’abord, tous les objets que nous apercevons sèment et répandent à flots intarissables des essences qui frappent l’œil, qui excitent la vue. Les odeurs jaillissent perpétuellement de certains assemblages ; comme le froid émane des eaux vives, la chaleur du soleil, et du bouillonnement des vagues un sel qui ronge les murailles autour de la côte. Mille sons divers ne cessent de couler dans l’espace. Enfin, une vapeur au goût salé attaque souvent nos lèvres, (6, 930) quand nous sommes au bord de la mer ; et l’absinthe qu’on broie, qu’on mélange devant nos yeux, nous blesse de son amertume. Tant il est vrai que tous les corps vomissent un flux de matière qui coule de toutes parts, en tous sens ! Cet écoulement a lieu sans trêve, ni repos, ni intervalle, puisque nos sens demeurent toujours en éveil, et que toujours on peut tout voir, tout respirer, ou entendre mille retentissements.

Ensuite, je te rappellerai à quel point la substance des corps est poreuse : vérité qui étincelle au début de mes vers ; notion qui a trait à une foule de choses, (6, 940) mais qui touche surtout au phénomène dont j’attaque ici l’explication. Il faut donc établir qu’à la portée de l’homme il n’y a que des corps mêlés de vide.

D’abord, il arrive dans les grottes que les pierres de la voûte épanchent, comme une sueur, de l’eau qui ruisselle goutte à goutte. Des sueurs nous baignent ainsi le corps entier. La barbe croît, et le poil jaillit des membres, des articulations. La nourriture circule éparpillée dans toutes nos veines : elle va entretenir et accroître les extrémités même du corps, et jusqu’au bout des ongles. Le froid à son tour et la vapeur chaude pénètrent l’airain ; (6, 950) nous le sentons ; nous sentons encore qu’ils nous gagnent à travers l’argent et l’or, quand nous tenons une coupe pleine. Nos murs enfin, nos murs de pierre, s’ouvrent à l’aile