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qu’un soleil pénétrant l’échauffe sous terre d’un feu rapide, dès que la nuit enveloppe le monde de ses épouvantables voiles ; opinion qui s’écarte bien loin de la vérité. Quoi ! le soleil travaille la surface nue des ondes, sans venir à bout de la rendre chaude quand sa lumière nous domine, quand elle possède de si vives ardeurs ; et il pourrait au fond de la terre, ce corps si épais, faire bouillir la matière humide, et lui communiquer son ardente vapeur ! (6, 860) Lui surtout qui est à peine capable d’insinuer à travers les murs de nos maisons les traits brûlants de sa flamme.

Mais où donc est la cause de ce phénomène ? La voici. Une terre moins compacte que le reste du sol embrasse la fontaine, et mille germes de feu avoisinent la substance de l’onde. Aussi, quand les ombres humides de la nuit engloutissent la terre, la terre aussitôt, glacée jusqu’au fond des entrailles, se contracte ; et alors, comme si on la pressait avec la main, elle vomit dans la source tout ce qu’elle peut avoir de brûlants atomes, et fait que l’eau ardente au toucher écume de vapeur. (6, 870) Mais une fois que les rayons naissants du soleil ouvrent les pores, et amaigrissent le flanc des campagnes, où pénètrent de bouillantes fumées, les éléments du feu regagnent leurs anciennes demeures, et la terre recouvre toute la chaleur des eaux. Voilà pourquoi la source fraîchit à la lumière du jour.

En outre, le soleil frappe les ondes de ses rayons, et plus le jour augmente, plus un feu tremblant écarte les germes humides : il en résulte que tous les atomes de feu appartenant à ces eaux leur échappent. De même souvent elles rejettent le froid contenu dans leur sein, et brisent la glace dont elles relâchent les nœuds.

(6, 880) Il est encore une source froide [880], au-dessus de laquelle l’étoupe qu’on y met prend feu aussitôt, et vomit la flamme. Par un effet semblable une torche, allumée dans cette onde, y nage étincelante au gré du vent qui la pousse. C’est que l’eau renferme d’innombrables semences de vapeur chaude, et qu’en outre la terre elle-même, où la source repose, doit y faire monter partout de brûlants atomes, qui s’exhalent au-dehors et gagnent les airs, sans être toutefois assez vifs pour échauffer la fontaine.

(6, 889) De plus, une fois ces atomes répandus hors du sol, une force cachée les oblige de franchir tout à coup les ondes, et de se rassembler à la surface. Ainsi, dans la mer Aradienne, on voit sourdre un filet d’eau douce, qui écarte autour de lui les flots salés ; mille autres plages de l’Océan fournissent une ressource utile à la soif des marins, en vomissant une onde pure au sein de l’onde amère : de même ces éléments peuvent jaillir à travers la fontaine et s’élancer jusqu’à l’étoupe. Quand ils sont réunis et attachés au corps de la torche, ils s’allument sans peine aussitôt, parce que les étoupes et les torches elles-mêmes tiennent emprisonnées une foule de semences ardentes.

(6, 901) Ne vois-tu point aussi qu’une mèche de lin qu’on vient d’éteindre, approchée d’un flambeau