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bienfaisante Pallas. Jamais les corneilles à la voix rauque n’osent y aborder au vol, pas même quand les offrandes fument sur les autels : tant elles fuient avec effroi, non pas la terrible colère de Pallas allumée par leur vigilance, suivant les poëtes de la Grèce, mais la nature du lieu, qui travaille de son propre fond à les écarter !

La Syrie offre encore, dit-on, un lieu semblable. À peine les animaux y ont-ils porté leurs pas, que la seule force du terrain les abat violemment, les abat (6, 760) tout à coup, comme si on les immolait aux dieux Mânes.

Tous ces phénomènes s’accomplissent sous l’empire d’une loi naturelle ; et leur cause, leur origine sont assez éclatantes pour nous épargner de croire qu’une porte de l’Orcus soit ouverte dans ces régions, et ensuite que les dieux Mânes entraînent par là nos âmes sur les bords de l’Achéron, comme souvent, dit-on, la narine du cerf au pied ailé attire hors de ses retraites la flexible race des serpents. Combien la vérité repousse ces fables ! pour t’en instruire, j’essaye de traiter à fond la matière.

(6, 770) D’abord, je te l’ai dit souvent et je te le répète, la terre contient sous mille formes des éléments de toutes sortes. Beaucoup sont propres à nourrir la vie ; beaucoup engendrent des maladies, et ne savent que hâter la mort. Et puis, nous avons montré plus haut que toutes les existences ne s’accommodent point également des mêmes choses, parce que la nature, le tissu des assemblages, et les formes élémentaires, varient. Que de sons ennemis coulent dans l’oreille ; que d’odeurs en pénétrant l’odorat l’irritent de leur rudesse ; (6, 780) que de corps enfin dont le contact est à éviter, dont la vue est à craindre, dont la saveur est fâcheuse !

Au reste, tu peux voir combien d’objets causent à l’homme de pénibles impressions, qui blessent et incommodent ses organes. D’abord, à certains arbres est affecté un si dangereux ombrage, qu’il excite de vives douleurs à la tête, quand on repose étendu sur l’herbe au pied de ces arbres.

Il existe même, sur les hautes cimes de l’Hélicon, un arbre qui tue l’homme avec l’horrible parfum de sa fleur. Tous ces poisons jaillissent de la terre, (6, 790) parce que mille semences de mille corps, réunies de mille façons, chargent ses flancs, qui vomissent à part les différentes espèces.

Un flambeau nocturne, à peine éteint, blesse-t-il les narines de ses âcres odeurs, il nous endort aussitôt jusqu’à nous faire tomber, comme ce mal rapide qui a coutume de nous abattre, de nous envoyer à terre.

L’âpre castoréum assoupit encore la femme qui succombe, et d’une main défaillante laisse échapper son brillant ouvrage, si l’odeur l’a saisie au moment où elle paye son tribut de chaque mois.

Bien d’autres essences portent la langueur