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pousse les rochers en l’air, ce qui soulève des nuages de sable. Car ils trouvent au faîte des ouvertures que les habitants du lieu nomment cratères, et que nous appelons gorges ou bouches.

Il est encore d’autres phénomènes, à l’explication desquels une cause unique ne suffit point : il leur en faut plusieurs, quoique entre toutes il n’y en ait qu’une de véritable. Si tu aperçois de loin le cadavre d’un homme étendu sans vie, il est bon que tu énumères toutes les causes possibles de mort, afin de nommer l’unique cause de la sienne. A-t-il succombé au fer, au froid, (6, 710) à la maladie, au poison ? Tu ne peux le décider au juste ; mais tu sais bien qu’il a dû être victime de quelque fléau de ce genre. De même, voilà tout ce que nous avons à dire pour expliquer mille choses.

L’été voit grossir peu à peu et se répandre dans les campagnes un seul fleuve d’ici-bas, le Nil, ce bienfaiteur de l’Égypte entière. Pourquoi la baigne-t-il ordinairement au milieu des chaleurs ? Peut-être dans l’été les aquilons, qui prennent à cette époque le nom de vents étésiens, soufflent-ils contre ses embouchures ; de manière que leur haleine, contrariant sa marche, lui fait obstacle, refoule ses ondes, comble son lit, et l’oblige à s’arrêter. (6, 720) Il est incontestable que ces vents se précipitent à l’encontre du fleuve ; car ils accourent du pôle aux étoiles glacées, tandis que le fleuve part des ardentes régions de l’Auster, où la chaleur noircit et brûle les races humaines, et que son berceau est au centre même du jour.

Il peut arriver encore qu’un vaste amas de sable forme à l’embouchure une digue contre les flots, alors que la mer, bouleversée par le vent, y roule des sables. De cette manière, l’issue du fleuve est moins libre, et il trouve un essor moins facile à la pente de ses eaux.

(6, 730) Il est possible aussi que les pluies tombent plus abondamment à la source du Nil, quand le souffle des vents étésiens précipite de ce côté toutes les nues des airs. Chassées vers les régions du midi, elles s’amassent, s’épaississent enfin à la cime des monts, et tombent accablées de leur propre poids.

Peut-être enfin les hautes montagnes de l’Éthiopie fournissent-elles à ces débordements, alors que leurs blanches neiges roulent dans la plaine, fondues aux rayons du soleil, cet œil immense du monde !

Vois maintenant ce que sont ces endroits, ces lacs nommés Avernes : (6, 740) je vais en expliquer l’essence et la base.

D’abord ce nom d’Avernes qu’on leur donne s’appuie sur un fait ; car ils sont funestes à tous les oiseaux. Ceux que leur vol amène directement au-dessus de ces lieux oublient d’agiter la rame, de tendre la voile de leur aile ; leur tête flotte languissamment, et ils sont précipités à terre, si la nature du lieu le permet, ou dans l’eau, si au dessous d’eux l’Averne étend ses lacs. Il y a près de Cumes un endroit de ce genre, où des montagnes, pleines de soufre et enrichies de sources chaudes, exhalent une âcre fumée.

(6, 750) On en voit un autre dans les murs d’Athènes, au sommet de la citadelle, près du temple de la