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de la foudre tombe de nuage en nuage. Si l’eau abonde chez le dernier qui reçoit la flamme, il la noie aussitôt avec un cri épouvantable : tel, au sortir de la fournaise ardente, le fer incandescent siffle, dès que nous le plongeons tout près de là dans une onde glacée.

(6, 150) Si, au contraire, le nuage qui reçoit le feu est aride, il brûle, et un vaste fracas accompagne un embrasement subit. Ainsi la flamme se répand au sein des montagnes à la chevelure de lauriers, et y promène sous les tourbillons du vent sa course dévorante. Car il n’est rien que le feu pétillant consume avec un bruit plus terrible que l’arbre de Delphes, consacré à Phébus.

Souvent, enfin, le craquement sonore de la glace et la chute de la grêle font retentir les profondeurs des grandes nuées : car lorsque le vent les entasse, ces montagnes de nuages, étroitement condensées, se brisent enfin et tombent, mêlées de grêle.

(6, 160) L’éclair brille quand le choc des nuages en arrache mille semences de feu, ainsi que le caillou frappé par le caillou ou par le fer ; car alors aussi la lumière jaillit, et la flamme répand d’éblouissantes étincelles.

Mais le bruit du tonnerre gagne l’oreille après que l’œil a vu l’éclair, parce que les impressions de l’ouïe sont moins agiles que celles de la vue. Veux-tu t’en convaincre ? Regarde de loin un homme qui abat sous le double tranchant de la hache les vains accroissements d’un arbre : tu aperçois le coup avant que le son ne fende les airs. (6, 170) De même, l’éclair nous frappe avant que le tonnerre nous arrive, quoique l’un parte avec l’autre, et naisse de la même cause, du même choc.

Peut-être, si les nues dorent l’espace d’une lumière à l’aile rapide, si la tempête darde un vif et ondoyant éclat, faut-il l’imputer au vent qui s’empare d’un nuage, et qui, à force de s’y rouler, comme tu l’as vu, le creuse en épaississant les bords. Mais sa propre agitation l’échauffe ; car la brûlante vitesse du mouvement allume toutes choses, et on voit une balle de plomb, qui va tourbillonner au loin, se fondre. (6, 180) Ainsi embrasé, à peine a-t-il fendu la sombre nuée, qu’il éparpille, en les arrachant pour ainsi dire de force, les semences de feu qui engendrent l’éblouissant éclair de la foudre. Le bruit vient ensuite, moins prompt à solliciter nos oreilles que ces images qui frappent au seuil de notre vue. Tout ceci a lieu, quand des nuages épais dressent et amoncellent leurs hautes cimes avec un merveilleux essor.

Et ne te fais point illusion, parce que d’ici-bas tu vois plutôt leur étendue, que la hauteur où ces monceaux jaillissent. (6, 189) Examine les nues dès que le vent les emportera, semblables à des montagnes qui se croisent dans les airs, ou lorsque, sous le calme profond des vents, tu apercevras ces monts immenses entassés les uns sur les autres, et pressés par ceux qui dorment au faîte : alors tu en connaîtras la masse énorme ; Alors tu verras des espèces de cavernes, bâties de rocs suspendus. Une fois que, déchaînant leur tempête, les vents les ont remplies, indi-