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D’abord, le tonnerre ébranle la voûte azurée du ciel, quand les nuages qui volent à la cime du monde sont entrechoqués par le combat des vents. Car le retentissement ne part jamais des régions sereines ; (6, 100) mais les endroits où les nues flottent en bataillons plus épais frémissent habituellement sous de plus vastes murmures.

En outre, les nuages ne peuvent être ni des masses aussi denses que les pierres et le bois, ni des essences aussi fines que le brouillard et la fumée légère. Sinon ils devraient, comme la pierre, tomber sous l’accablement de leur poids inerte ; ou, comme la fumée, dépourvus de consistance, ils ne pourraient emprisonner la froide neige et les averses de la grêle.

Ils jettent aussi, dans les plaines immenses du ciel, un son pareil au craquement de ces voiles tendues dans nos larges amphithéâtres, (6, 110) et balancées entre les mâts et les poutres. Quelque fois la nue s’emporte, déchirée par un souffle impétueux, et imite l’aigre cri du papier : sorte de bruit qu’on reconnaît encore dans les éclats de la foudre, de même que celui d’une étoffe suspendue ou d’un feuillet qui s’envole, et que les coups du vent font tourbillonner et gémir dans les airs,

Car il arrive parfois que les nuages, ne pouvant se heurter de front, se côtoient plutôt, et, dans leur essor contraire, se rasent les flancs tout du long. De là vient qu’un son sec froisse l’oreille, et se prolonge interminable, (6, 120) jusqu’au moment où les nues se dégagent d’une région trop étroite.

Il est un autre motif pour que la Nature tressaille, bondissant au formidable choc du tonnerre ; pour que, soudain rompue, la vaste barrière des abîmes de ce monde semble voler en éclats. Que de fois un vent impétueux, amoncelant ses orages, s’engouffre tout à coup dans les nues, y demeure captif ! et là, ses tourbillons bouleversent tout de plus en plus, et creusent le milieu en épaississant les bords. Puis, enfin, la masse ébranlée cède à sa violence, à ses assauts furieux, et un horrible craquement annonce sa fuite retentissante. (6, 130) Qui s’en étonne ? La moindre vessie, gonflée d’air, jette comme lui un son bruyant par une explosion soudaine.

On explique autrement encore le bruit du vent qui souffle à travers les nuages. Car on voit souvent marcher des nuages hérissés de mille branches, de mille aspérités. Ils retentissent alors comme, dans les épaisses forêts que traverse l’haleine du Caurus, sifflent les feuilles et résonnent les rameaux.

Quelquefois même l’emportement d’un souffle irrésistible perce le nuage, et le crève en l’assaillant de front. Ce que peuvent les vents là-haut, l’expérience nous l’enseigne (6, 140) ici-bas sur la terre, où ils sont plus modérés, et où cependant ils emportent les arbres les plus hauts, et les dévorent jusqu’au fond de leurs racines.

Il y a aussi des flots dans les nuages ; et en se brisant ils poussent un long murmure, comme les fleuves profonds ou la vaste mer, déchirée par le bouillonnement de ses vagues.

Le même fait a lieu lorsque le brûlant essor