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que tous les êtres qui se forment ou doivent se former dans son enceinte, tombent en dissolution : écoute maintenant le reste de mes paroles, toi dont les applaudissements m’excitent à remonter sur un char déjà illustré au vent de la gloire, afin que de nouveaux obstacles se convertissent encore pour moi en une faveur nouvelle.

(6, 50) Les autres phénomènes que les mortels aperçoivent ici-bas et au ciel, en tenant leurs âmes suspendues par l’effroi, les humilient sous la crainte des dieux, les abaissent et les courbent vers la terre, parce que l’ignorance de la cause les oblige à faire hommage de l’effet à la puissance des immortels et à leur accorder un plein empire sur les choses dont ils ne peuvent démêler l’origine, et que pour cela ils imputent à une intervention céleste. Car les hommes même qui sont bien éclairés sur la vie paisible de ces immortels, viennent-ils à s’étonner (6, 60) comment toutes choses peuvent avoir lieu, et surtout celles qui éclatent sur leurs têtes dans les campagnes des airs, ils retombent aussitôt dans leur vieille superstition, ils évoquent des maîtres impérieux, ils leur attribuent la toute-puissance : pauvres fous, qui ignorent ce qui peut ou ne peut pas être, et comment l’énergie des corps a un terme, une limite profonde et infranchissable ! Aussi errent-ils, emportés par leur aveuglement.

Si tu ne rejettes point de ton âme, si tu ne chasses pas bien loin ces idées qui outragent les dieux, et qui sont étrangères au calme de leur existence, (6, 70) leur majesté sainte que tu auras amoindrie t’épouvantera de mille apparitions. Non que ces hautes puissances ne soient inviolables, non que leur ressentiment couve de terribles vengeances : mais toi-même, toi qui es libre de reposer en paix, tu t’imagineras qu’ils roulent dans leur sein les flots orageux de la colère ; tu n’apporteras jamais un cœur tranquille au sanctuaire des immortels ; et ces images que leurs membres sacrés envoient à nos intelligences, comme des messagères de la beauté divine, ton âme ne pourra les accueillir avec une paisible sérénité.

Vois quelle sera désormais ta vie. (6, 80) Pour écarter de nous ces maux à l’aide de la plus éclatante sagesse, outre les mille vérités déjà parties de ma bouche, il en reste mille encore, qu’il faut embellir de l’élégance des vers. Je dois rendre compte des affaires d’en haut et du ciel ; je dois chanter les tempêtes et la foudre resplendissante, leurs effets, et la cause de leur emportement : de peur que, tremblant et hors de toi, tu ne partages le ciel en diverses régions [86], et que tu ne t’inquiètes d’où le feu ailé a pris l’essor, où il s’est tourné ensuite, comment il a franchi les enceintes, et comment il en a dérobé sa flamme victorieuse ; (6, 90) phénomènes que les hommes, faute d’en apercevoir la cause, attribuent à la puissance divine.

Oh ! tandis que je hâte ma course vers la blanche marque assignée pour terme à ma carrière, ouvre-moi le chemin, Muse ingénieuse, ô Calliope, toi qui délasses les hommes et charmes les dieux, afin que j’aille sur tes pas cueillir avec gloire une couronne immortelle.