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sivement les choses, et la raison les fait jaillir au berceau de la lumière. Ainsi l’homme voyait augmenter peu à peu l’éclat des arts, qui atteignaient enfin à leur cime resplendissante !





LIVRE VI.


(6, 1) La première ville qui a répandu chez les misérables humains les fruits nourrissants de la terre, c’est la fameuse Athènes [1] : c’est elle qui renouvela leur existence, qui la soumit à des lois ; c’est elle enfin qui leur apporta les douces consolations de la vie, le jour où elle enfanta cet homme chez qui on a trouvé une intelligence si haute, cet homme dont la bouche fut autrefois la source de toutes les vérités, et qui, maintenant éteint, grâces à ses divines découvertes, voit sa gloire antique, semée par tout l’univers, s’élever jusqu’aux cieux !

(6, 9) Quand cet homme remarqua que les mortels avaient acquis presque tout ce que demandent les besoins de leur subsistance, et tout ce qui peut asseoir leur vie sur une base tranquille : l’abondance des richesses, l’autorité des honneurs et de la gloire, l’éclat que donne la bonne renommée des enfants ; et que néanmoins les angoisses dévoraient leur âme au fond de ses retraites : il comprit alors pourquoi ils éclataient en ces furieuses et tristes lamentations ; il comprit que le vase, gâté lui-même, corrompait aussi tous les biens extérieurs répandus et amoncelés dans ses flancs ; (6, 20) il y aperçut tantôt comme des éclats ou des fentes qui lui ôtaient à jamais le moyen de se remplir, et tantôt il le vit empoisonner de son goût amer tout ce que son intérieur avait reçu.

Il purifia donc les âmes, en y versant la vérité de ses lèvres : il mit des bornes au désir et à la crainte ; il nous expliqua la nature du bien suprême que nous cherchons tous, et nous montra le sentier le plus court, la route la plus directe, pour y atteindre ; il nous apprit quels sont les maux attachés partout aux essences mortelles, (6, 30) maux qui jaillissent et accourent de mille façons, soit par un effet du hasard, soit par une force que déchaîne la Nature, et enfin quelles portes il convient de leur fermer. Il prouva aussi que souvent les hommes roulent, au fond de leurs poitrines, un torrent de vaines et lamentables inquiétudes. Car, de même que les enfants tremblent et que tout les effraye dans la nuit aveugle, de même nous sommes assiégés, au grand jour, de terreurs aussi fausses que celles que les enfants timides se forgent au sein des ombres. Or, pour dissiper cet effroi des âmes et ces ténèbres, il ne suffit pas (6, 40) des rayons du soleil, ou des traits éblouissants du jour : il faut la raison, et un examen lumineux de la Nature. Aussi me vois-tu plus ardent à suivre la chaîne de mes enseignements.

Tu as appris que les dômes du monde sont périssables, que la substance du ciel naît et meurt,