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corps abattu sur la terre, à étendre ses mains ouvertes (5, 1200) vers le sanctuaire des dieux, à inonder l’autel du sang des animaux, à enchaîner les vœux aux vœux ; non : celui-là est pieux, qui sait tout envisager d’une âme tranquille. Car lorsque nous examinons les hauteurs du ciel, les dômes immenses du monde, les étoiles qui brillent clouées au firmament, et que la marche du soleil ou de la lune frappe notre pensée, alors s’éveille dans notre cœur une inquiétude jadis étouffée par d’autres tourments, mais qui commence à relever la tête : y aurait-il par hasard une toute-puissance divine qui roulât sous des impulsions variées la blanche lumière des astres ? (5, 1210) Nos intelligences, si pauvres de bonnes raisons, hésitent, et se demandent avec trouble : Le monde a-t-il eu un commencement ? Aura-t-il une fin, jusqu’à laquelle ses barrières et sa marche silencieuse peuvent résister à la fatigue ? Ou bien, enrichi par une main divine d’une éternelle durée, est il capable de franchir éternellement les âges, et de braver le puissant effort de leur cours interminable ?

En outre, quel homme n’a point l’âme resserrée par la crainte des dieux, et les membres rampants sous la peur, alors que le sol, embrasé par les coups horribles de la foudre, bondit, et que de vastes retentissements parcourent le ciel ? (5, 1220) Les nations ne tremblent-elles pas ? Et les rois superbes, ne les voit-on pas se coller avec effroi aux statues des dieux, craignant que l’heure formidable ne soit enfin venue d’expier quelque action infâme, ou quelque orgueilleuse parole ?

Et quand l’irrésistible force du vent, déchaînée au sein de l’onde, balaye sur la plaine des mers un général avec sa flotte, et ses puissantes légions, et ses éléphants, ne cherche-t-il point à désarmer par ses vœux les immortels ? Sa tremblante prière n’appelle-t-elle pas le calme des vents et un souffle favorable ? (5, 1230) C’est en vain : saisi par le rapide tourbillon, il n’en est pas moins emporté vers l’écueil mortel. Tant il est vrai qu’une puissance inconnue écrase les fortunes humaines, et semble fouler aux pieds les brillants faisceaux et les haches cruelles, qui servent de jouet à ses caprices !

Enfin, lorsque toute la terre remue sous nos pas, que les villes ébranlées tombent, ou chancellent et menacent ruine, est-il étonnant que les générations humaines se rabaissent elles-mêmes, et souffrent ici-bas de grandes puissances, des forces merveilleuses, de ces dieux enfin à qui on laisse gouverner toutes choses ?

(5, 1240) Mais achevons. Le cuivre, l’or, le fer, les masses d’argent, la pesanteur du plomb, furent trouvés dans les hautes montagnes, là où de vastes forêts avaient péri sous les embrasements du feu : soit que le ciel y eût dardé la foudre ; soit que les hommes, se livrant la guerre au fond des bois, eussent porté la flamme chez l’ennemi, afin de l’épouvanter ; ou que, séduits par la bonté du terrain, ils voulussent s’ouvrir de grasses campagnes, et les rendre propres à leur nourriture ; ou enfin que ce fût pour tuer les bêtes, et s’enrichir de leur dépouille. Car on fit la chasse à l’aide