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pagne. Puis les tempêtes jaillissent, et les vents orageux, le Vulturne à la voix retentissante, et l’Auster chargé de foudre. Puis, enfin, le solstice nous apporte les neiges, nous ramène les gelées engourdissantes, suivi bientôt de l’Hiver, et du Froid qui claque des dents. Faut-il donc t’émerveiller de voir la lune si exacte à naître, si exacte à mourir, puisque tant de choses ont lieu si exactement aux mêmes époques ?

(5, 750) Crois bien aussi que la défaillance du soleil et les obscurcissements de la lune prêtent à mille explications. Quoi ! tu demandes comment la lune peut nous exclure des feux du soleil, et comment elle lui voile la terre de son front sublime, qui oppose un disque aveugle aux rayons étincelants ; et tu ne crois pas que le même effet puisse venir d’un autre corps, qui roule éternellement privé de lumière !

Pourquoi enfin ne pas admettre que le soleil, à des époques fixes, laisse tomber à peine ses feux languissants, et ranime bientôt sa lumière, quand il a franchi au sein des airs ces régions, ennemies de la flamme, (5, 760) qui étouffent un moment ses lueurs expirantes ?

Et si la terre peut à son tour ravir les clartés de la lune, en tenant le soleil plongé sous elle, tandis que l’astre des mois flotte dans son ombre épaisse et conique : pourquoi ne veux-tu pas qu’un autre corps se glisse sous la lune, roule par-dessus le globe du soleil, et intercepte ses rayons, ses torrents de lumière ?

Et même, si la lune brille d’un éclat qui lui est propre, l’empêcheras tu d’avoir ses propres langueurs dans certaines parties du monde, quand elle traverse les régions ennemies de sa propre clarté ?

(5, 770) J’ai maintenant expliqué par quelles lois tout s’accomplit dans le vaste azur du vaste monde : nous avons pu reconnaître quelle force, quelle loi produit les évolutions variées du soleil et les phases de la lune ; comment leurs feux, voilés tout à coup, expirent, et plongent la terre dans une nuit inattendue ; comment ils semblent fermer et ouvrir de nouveau leur œil resplendissant, qui enveloppe le monde de sa blanche lumière. Je reviens donc à l’enfance du monde, à la tendre jeunesse de nos campagnes et j’examine ce que leur fécondité naissante osa mettre d’abord au berceau du jour, (5, 780) et confier au souffle incertain des vents.

La première espèce créée fut l’herbe et son verdoyant éclat dont la terre revêtit les collines ; et dans toute la campagne, les prairies étincelèrent de ces vertes couleurs ; et les différents arbres, une fois la bride lâchée, luttèrent de vigueur à pousser, et à se répandre dans les airs ! Comme la plume, le duvet et le poil naissent d’abord sur les membres des quadrupèdes ou sur les corps à l’aile rapide, de même le sol encore vierge fit jaillir des herbes et des broussailles. Puis, il enfanta les êtres (5, 790) par milliers de mille genres, et sous mille combinaisons ; car il est impossible que les animaux de la terre soient tombés du ciel, ou sortis des gouffres salés.