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de mille coups la surface nue de la terre, la chassent, la refoulent et l’amoncellent vers son centre, plus il arrache de son corps une sueur amère, dont les flots enrichissent l’Océan et les campagnes ondoyantes ; (5, 490) et plus aussi elle rejette par milliers ces atomes de vent et de feu, qui forment de leur vol épais et dressent, loin de la terre, les dômes éblouissants du ciel. Les plaines s’abaissent, et la pente des hautes montagnes grimpe dans les airs ; car il est impossible que les rocs éprouvent un affaissement, ou que toutes les parties descendent au même niveau. Ainsi la lourde masse du sol, épaississant ses atomes, s’affermit sur sa base ; ainsi, en quelque sorte, toute la vase du monde tomba, pesante, vers le bas, et s’arrêta au fond, comme la lie.

Alors la mer, alors le vent, alors le ciel même, le ciel resplendissant, (5, 500) demeurèrent purs, avec des atomes limpides, et une légèreté plus grande chez les uns que chez les autres. Le ciel, de tous le plus agile, le plus limpide, se répand au-dessus de la couche des airs ; et il ne mêle pas sa limpidité aux corps qui altèrent le souffle du vent. Il abandonne ces régions aux bouleversements de la tourmente, au désordre, à l’inconstance de l’orage ; tandis que lui-même roule ses vagues de feu d’un essor prompt et invariable. Que le ciel puisse flotter avec enchaînement et harmonie, les eaux de la mer le proclament, elles qui bouillonnent sous un flux réglé, éternellement soumises à un cours éternellement uniforme.

(5, 510) Chantons maintenant la cause du mouvement des astres. D’abord, si c’est l’énorme globe du ciel qui tourne, il faut admettre que deux courants d’air extérieur le pressent à chaque pôle, le maintiennent et l’emprisonnent. L’un jaillit d’en haut, et attaque les cimes où roulent et brillent les flambeaux éternels du monde, l’autre souffle du bas, afin de soutenir le globe. Nous voyons les fleuves faire tourner ainsi les roues et les seaux des machines.

Il se peut encore que ces fanaux étincelants se meuvent au sein du firmament immobile : (5, 520) soit que les astres, flots bouillonnants de l’impétueux éther, enfermés et cherchant à fuir, tourbillonnent, et agitent leurs feux errants par toute l’immensité de la voûte céleste ; soit que l’air extérieur, débordant je ne sais où, pousse ses flammes à un mouvement circulaire ; soit, enfin, que, libres de se traîner eux-mêmes vers les aliments qui appellent, qui invitent leurs pas, ils dévorent çà et là tous les atomes de feu répandus dans le ciel. Établir au juste la manière dont ils se gouvernent ici-bas est chose difficile. Je me borne à enseigner tout ce qui peut avoir et tout ce qui a vraiment lieu, au sein du vide immense, dans ces mille mondes engendrés sous mille lois diverses ; (5, 530) et je ne m’attache qu’à une exposition nette des causes nombreuses que l’univers peut fournir au mouvement des astres. Parmi ces causes, néanmoins, une seule, comme toujours, doit assurer leurs révolutions : mais laquelle de toutes ? voilà ce que ne peut décider sitôt un homme qui avance pas à pas.