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Et puisque les vastes membres du monde engagent entre eux une lutte si acharnée, dans l’emportement d’une guerre impie ; ne vois-tu pas que ces longues batailles peuvent avoir une fin ? lorsque, par exemple, le soleil et toute sa vapeur chaude, buvant toutes les essences humides, demeureront les maîtres. Et ils essayent de le faire ; mais jusqu’ici leur effort n’a pu en venir à bout : tant les fleuves ont d’abondance ! Eux-mêmes, du profond abîme des mers, ils menacent tout d’un engloutissement. C’est en vain ; car les vents balaient (5, 390) et appauvrissent les flots, car le soleil, rayonnant à la cime des airs, entame leur tissu ; et ils espèrent dessécher toute l’eau, avant qu’elle touche au but de son entreprise. Respirant la guerre, et d’une ardeur, d’une force égale, tous s’acharnent à l’envi pour ces grands intérêts. Une fois, cependant, le feu a été vainqueur ; une fois, dit-on, l’eau régna dans les campagnes.

Oui, le feu a vaincu et tout consumé au loin de ses embrasements, lorsque le vif et dévorant essor des chevaux du Soleil, égaré de ses routes, emporta Phaéton à travers les cieux et les terres. (5, 400) Mais le père des êtres, le tout-puissant, ému d’une colère violente, et frappant tout à coup de la foudre cet illustre téméraire, le précipita de son char ici-bas. Le Soleil accourut au bruit de sa chute, releva l’éternel flambeau du monde, réunit ses chevaux épars, les attela encore tremblants, et ranima l’univers en reprenant sa course et son empire accoutumé. Telle est, du moins, la fable chantée par les vieux poëtes de la Grèce ; fable qui s’écarte trop de la vérité. Le feu triomphe, quand les atomes de sa matière jaillissent, des gouffres immenses, plus nombreux que les autres ; (5, 410) ensuite leur énergie tombe, vaincue par une force quelconque : sinon toutes choses périssent, dévorées au vent de la flamme.

Ce fut de même que les ondes amoncelées eurent, dit-on, leur jour de victoire, lorsque tant d’hommes s’engloutirent dans les flots. Mais sitôt qu’une autre puissance écarta et mit en déroute cette masse d’eau soulevée de l’abîme, les pluies cessèrent, et les fleuves adoucirent leur emportement.

Enfin, comment la rencontre des atomes a-t-elle jeté les fondements de la terre, du ciel, des mers profondes [417], du soleil, et des courses de la lune ? Je vais l’exposer avec ordre.

(5, 420) Assurément ce n’est pas à dessein, ni avec intelligence, que les atomes se sont établis chacun à leur place ; et ils n’ont pas concerté leurs mouvements réciproques. Mais, depuis le temps immémorial que ces corps élémentaires, battus par milliers de mille chocs, et accoutumés à un élan que leur poids aiguillonne, forment toutes les alliances, essayent tous les résultats de tous les arrangements possibles, il arrive que leur cours éternel et leur éternel essai de mille mouvements, de mille combinaisons, (5, 430) unissent enfin les atomes, dont les assemblages rapides de-