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le ciel t’eût donné du sentiment ! C’est dans ton sein que se réfugient les oiseaux amoureux : c’est sur ton écorce que les amants gravent leurs chiffres ; c’est sous ton feuillage que le sage vient rêver au bonheur. Tu prêtes ton abri à toute la nature sensible. Que ne puis-je être toi, ou que n’as-tu mon âme ! « Deviens arbre, indiscret jeune homme, dit à l’instant le Génie ; mais reste Almanzor sous son écorce. Sois arbre jusqu’à ce que le repentir te rende ta première forme. » À peine le Génie a-t-il achevé de parler, qu’Almanzor s’élève en arbre majestueux ; il courbe ses superbes rameaux en voûte de verdure impénétrable aux rayons du soleil. Bientôt les oiseaux, les zéphyrs et les pasteurs recherchèrent l’ombrage du nouvel arbre ; mais il ne le prêta jamais qu’à regret à l’indifférence. Cependant la belle et insensible Zuleïma vint un soir se reposer sous son ombre. Bientôt le sommeil ferma doucement ses paupières. Que de grâce s’offrent à l’imprudent Almanzor ! Un frémissement insensible s’empare de ses feuilles.