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Lucile grandit trop vite ; ses bras de fillette s’allongeaient et elle ne savait qu’en faire. Elle avait toutes les gaucheries et toutes les timidités. Vêtue à la grâce de Dieu des défroques de ses aînées, prise, par bienséance, dans un corsage à baleines qui lui faisait des plaies aux côtes, les cheveux relevés à la chinoise, le cou soutenu par un collier de fer, garni de velours brun, c’était une chétive créature. Elle était livrée aux gens de service par sa mère, qui courait tout le jour les réceptions et les offices, et rentrait à la maison pour gronder étourdiment son monde, fermer les armoires à clé, gémir et soupirer. Une vieille intendante, bavarde comme la nourrice de Juliette, prenait soin de la pauvre abandonnée. On menait tous les matins madame Lucile en robe courte avec monsieur le chevalier en jaquette, chez deux vieilles sœurs bossues qui enseignaient à lire aux enfants et qui désespérèrent de rien apprendre à la sœur comme au frère. L’opinion générale fut que Lucile était une sotte