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neige nouvelle, il y avait harmonie entre nos récréations et nous.

Ce fut dans une de ces promenades que Lucile, m’entendant parler avec ravissement de la solitude, me dit : « Tu devrais peindre tout cela. » Ce mot me révéla la muse ; un souffle divin passa sur moi. Je me mis à bégayer des vers, comme si c’eût été ma langue naturelle ; jour et nuit je chantais mes plaisirs, c’est-à-dire mes bois et mes vallons ; je composais une foule de petites idylles ou tableaux de la nature. J’ai écrit longtemps en vers avant d’écrire en prose ; M. de Fontanes prétendait que j’avais reçu les deux instruments.

Ce talent que me promettait l’amitié, s’est-il jamais levé pour moi ? Que de choses j’ai vainement attendues ! Un esclave, dans l’Agamemnon d’Eschyle, est placé en sentinelle au haut du palais d’Argos ; ses yeux cherchent à découvrir le signal convenu du retour des vaisseaux ; il chante pour solacier ses veilles, mais les heures s’envolent et les astres se couchent.