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LA JEUNESSE DE RABEVEL

cette affreuse sécheresse de cœur, tantôt le service qu’elle lui avait rendu en lui signalant un tel danger. Elle finit par lui dire de ne pas tant faire la bête, que le bon Dieu était moins sot que lui, de l’embrasser et de tirer un trait là-dessus. Il baisa ses joues avec emportement en la prenant dans ses bras. Le sein tiède palpita sous sa main ; la peau fraîche avait une douceur sapide, une odeur de verveine et le toucher du velours. Elle lui rendait le baiser, innocente et maternelle, de sa pourpre rose humide. Il se sentit extraordinairement troublé et décida de l’éviter désormais.

D’ailleurs il partait le lendemain. À la gare d’Austerlitz il retrouva l’abbé Régard et une douzaine de camarades ; tout aussitôt les siens furent oubliés et seul compta le magnifique avenir.

Ils n’arrivèrent à destination que le lendemain soir. La colonie avait élu domicile dans un ancien lazaret situé sur la côte au point le plus dangereux de l’épine rocheuse qui court entre Cette et Agde. C’était un lieu splendide et désolé, hanté de quelques rares pêcheurs qui vivaient sordidement sous la tente. Le lazaret était lugubre. Il comprenait quelques pavillons dans un quadrilatère de murs épais et fort élevés dont une partie surplombait la mer et répercutait le ressac. Les pavillons étaient en rez-de-chaussée, le sol carrelé de briques rouges émaillées, glaciales aux pieds nus des enfants. Une chaleur torride faisait éclater les pierres de ce désert ; il n’y poussait que des herbes salées, d’énormes chardons dorés, des euphorbes