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LA JEUNESSE DE RABEVEL

et agréable. Tout lui souriait ; jamais il n’avait si bien senti sa réussite ; et, à la fin de l’année scolaire il ne fut pas surpris quand le palmarès l’annonça comme ayant presque tous les premiers prix.

Il revit à cette occasion tous les siens réunis ; et combien fiers de ses succès ! Il n’avait eu toute l’année que des visites espacées tantôt de l’un tantôt de l’autre, visites qu’il souhaitait d’abord puis redouta lorsqu’il fut pris par ses études et son ardeur religieuse. Il songeait à présent avec un morne ennui à ce qu’allaient être ces deux grands mois de vacances passés rue des Rosiers ; mais l’abbé Régard, à la fin de la cérémonie de distribution des prix, vint courtoisement présenter ses hommages aux parents du jeune lauréat ; et il glissa dans la conversion qu’il avait organisé une colonie au bord de la mer. Bernard demanda sur le champ à Noë de le laisser partir et on y consentit sans trop de peine : il ne passa qu’une semaine à la maison, il sentit s’y fortifier son dégoût pour cette vie médiocre et laide ; sa piété nouvelle s’irritait des brocards traditionnels contre la religion ; il dut à plusieurs reprises ronger son frein, le soir, quand Noë lisait à haute voix des vers d’amour en regardant parfois Eugénie qui tricotait paisiblement sous la lampe, l’adolescent se levait, trouvant bêtes tous ces gens qui ne pensaient pas au salut éternel et perdaient leur temps à des sornettes. Il sortait dans le crépuscule estival ; les couples langoureux n’émouvaient pas ses quinze ans ; il entrait dans ce petit jardin qui est