Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome I (1923, NRF).djvu/92

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
90
LE MAL DES ARDENTS

— C’est que je n’ai pas l’habitude de vos manières de travailler. Et puis, au tirage au sort des compositions orales, j’ai toujours les problèmes difficiles.

— Ne m’amusez pas avec vos « manières de travailler » ; et ne me dites pas que le sort vous donne les problèmes difficiles. Vous ne vous en tirez pas, voilà tout, c’est le doigt de Dieu. Vous n’arriverez à rien dans la vie, vous serez toujours le dernier, le domestique des autres.

Rien ne pouvait davantage alarmer Bernard. Le confesseur continua sur le même ton, usant de tous les arguments, retournant tout en preuve, tirant de Bernard tous les aveux qu’il interprétait pour sa cause avec une évidence éclatante, le tout sur un ton monocorde, avec une sorte d’indifférence résignée, sans qu’à aucun moment se fit jour une tentative d’apologétique ou de conversion. À la fin l’adolescent pleurant à chaudes larmes, voyant sa vie gâchée, la réussite impossible, toutes ses espérances anéanties, pleinement convaincu de ce que lui disait le prêtre, le supplia de le confesser, de le guérir.

— Hélas ! répondit tristement le Père Régard, je crois bien que la chose est au dessus de mes forces. Enfin, nous étudierons cela. Revenez la semaine prochaine et tâchez, en attendant, de trouver par vous-même la voie de Dieu.

L’enfant redescendit en se tamponnant les yeux.

— Je crois, disait son confesseur au Frère Valier quelques heures après, je crois que nous pourrons arriver à sauver cette âme bien qu’elle soit très compromise. Il n’y a pas