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LA JEUNESSE DE RABEVEL

le connais ; à la première occasion, il envoie un couteau entier avec la manche dans la croupe d’un cabot ; et, parce qu’il a manqué son propriétaire encore…

— Dis-moi donc s’il pouvait faire autrement ? depuis qu’il est en âge de comprendre, on ne lui parle que des droits de l’homme, de la sainte liberté. Vous avez tous l’orgueil de vos journées de 30, de 48 et de la Commune ; vous n’avez jamais pensé qu’à tuer ceux qui n’avaient pas les mêmes idées que vous ; tout en parlant, bien entendu, de fraternité. Toi, tu ne cesses pas de prêcher le partage et de célébrer le martyr Blanqui et d’autres de la même farine. Alors quand l’enfant jette son couteau à ce pauvre Goldschmidt tu t’indignes ! Qu’est-ce que tu veux ? il ne fait qu’appliquer tes théories.

Noë réfléchissait :

— C’est juste ce que dit la maman, déclara-t-il en soupirant.

Mais Catherine était déchaînée :

— Oui, toi aussi, tu as ta maladie. « C’est juste, c’est juste ». Tu ne sais jamais cracher quelque part sans te demander pendant une demi-heure ce qui est juste ou pas juste ; alors, toi, c’est le contraire du père : tu excuseras tout ce que fait le petit depuis qu’il t’est venu des scrupules au sujet de la fameuse gifle. Et la justice, et l’équité, et l’humanité ! Et tous vos mots creux, l’irresponsabilité, la maladie du criminel et celle de l’ignorance. Tenez, vous me faites suer avec vos folies.