Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome I (1923, NRF).djvu/54

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
52
LE MAL DES ARDENTS

vouloir se lever. « Tu n’y songes pas ! » dit Catherine. Il s’obstina, fit des singeries, feignit le désespoir ; il voulait faire sa communion. Il supplia ; il sut trouver des larmes. Le vieux Jérôme se mit en quête d’une voiture ; on le recouvrit, on l’emmaillota ; pendant l’office tout le monde remarqua son visage jaune et ses yeux injectés de bile ; il ne cessa de claquer des dents ; il s’évanouit à plusieurs reprises ; les parents craignirent de ne ramener qu’un cadavre ; le curé doyen vint à son banc lui porter l’hostie et fit signe qu’on abrégeât ce supplice si cruellement édifiant ; tandis qu’on l’emmenait, l’archiprêtre, en une allocution qui émut profondément les fidèles, déclara qu’un tel enfant consolait de bien des misères les serviteurs du Seigneur. Cependant, Bernard avait demandé que la voiture s’en retournât au petit trot. En pénétrant dans la rue des Rosiers, il se plaignit d’étouffer et se pencha à la portière, la main comprimant le cœur. Tout à coup, comme on passait devant la boutique de Goldschmidt, il eut un geste terriblement rapide du bras. La navaja lancée par la lame avec une force incroyable effleura en sifflant la tête de l’homme qui, en bras de chemise, fumait sa pipe devant la porte ; et elle alla se planter jusqu’à la garde, toute vibrante du manche comme une banderille, entre les deux épaules du dogue qui s’écroula en hurlant.