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LE MAL DES ARDENTS

— D’où peut-elle venir cette petite crapule, d’où peut-elle venir ? disait Rodolphe.

Que pouvaient contre cette tête de fer les semonces des siens et du maître d’école, le cachot, le pain noir ? Rien. Catherine attribua cette misérable moralité à l’école sans Dieu. Sur ses instances il fut entendu qu’il suivrait le catéchisme et verrait régulièrement le frère Valier. L’enfant ne s’émut de rien. Les seules choses qui l’eussent frappé, en dehors de l’affront de s’être laissé prendre, étaient les paroles sibyllines prononcées par Rodolphe et dont il cherchait vainement le sens.

Au catéchisme comme à l’école il fut l’enfant appliqué, artificieux et ponctuel qui s’assurait les premières places, les prix et l’estime des maîtres. Son intelligence toujours en éveil mais prudente emmagasinait sans arrêt ; une prodigieuse mémoire et une prodigieuse faculté d’oubli donnaient à sa pensée les armes et l’aisance. Physiquement, il se développait fort bien, entraîné par François à tous les exercices du corps. Blinkine réussissait moins et Bernard ne se rappelait jamais sans dérision et orgueil la maladresse qu’il montrait à ce jet du couteau auquel François les avait initiés dans les fourrés du bois de Boulogne. Le petit Régis lui avait fait don, en témoignage d’amitié et de satisfaction d’une longue navaja à cran d’arrêt que son père lui avait rapportée du Mexique.

— Tiens, lui avait-il dit, maintenant que tu sais te servir du joujou, voilà un souvenir. Nous avons treize ans, nous