Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome I (1923, NRF).djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
47
LA JEUNESSE DE RABEVEL

avait tendu la gueule et broyé les reins du pauvre animal ; il reposa le cadavre à terre en baissant les oreilles et remuant faiblement la queue, craignant visiblement d’être battu. Mais Bernard le caressa un moment en lui disant de douces paroles ; puis il saisit le chat et le jeta par la fenêtre dans la rue déserte.

Il se trouvait à la maison, le lendemain, lorsque la sensible Eugénie raconta avec des larmes qu’on avait retrouvé l’un des chatons martyrisé dans la rue. Bernard écoutait et contemplait sa tante avec une impression nouvelle ; ces sanglots ne l’émouvaient point de pitié mais lui donnaient une espèce de soif. Le soir même, en montant se coucher, il prenait au nid un deuxième chat ; le chien paraissait l’attendre et il n’en fut pas surpris ; à peine cette fois avait-il posé à terre la petite bête que Tom la tuait. Il balança à redescendre ; mais enfin, vaincu par le goût du péché, il revint au nid ; un seul chaton, le dernier, reposait au sein de la mère ; il le prit brutalement ; mais comme il atteignait le palier, son oncle Noë qui avait cru entendre un frôlement quitta la table où il lisait entre le père et la mère et arriva à temps à la porte pour voir celle-ci se fermer doucement. Intrigué, il sortit à son tour, perçut le pas de Bernard, le suivit dans l’ombre et assista au massacre.

L’enfant, pâle de rage, comparut devant les siens : le grand’père était anéanti. Catherine toute décomposée. Ils prononcèrent des paroles énigmatiques pour lui.