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LA JEUNESSE DE RABEVEL

sur son passage. Le père Lazare était son introducteur et son ange gardien. Il entendait sa voix : il faut être le maître. Puis, tout à coup : il faut être bon. Ah ! pour sûr, l’enfant se sentait si plein de bonheur épanoui et si prêt à être bon : il comblait ses proches de cadeaux, il leur témoignait son amitié. Qu’il était heureux ! Dans son demi-sommeil, il dit vaguement sa prière comme le lui avait recommandé sa grand’mère, et en remerciant le bon Dieu de l’avoir ainsi comblé. Un brusque mouvement qu’il fit l’éveilla presque et il perçut, venant de la chambre voisine, de déchirants soupirs. La conscience lui revint : « C’est encore le foutriquet qui est malheureux » dit-il à voix haute, en ébauchant un vague sourire. Puis il se rendormit.

Le lendemain commença sa nouvelle existence. Déjà, quand il arriva à l’école, ses deux voisins installés causaient ensemble, attendant l’heure. Ils l’accueillirent comme un ami et quand le père Lazare fit son entrée, tous trois ne s’interrompirent qu’à regret.

Le vieux maître, psychologue attentif, eut vite pénétré cette amitié et chercha à en tirer pour eux le meilleur profit. Il leur montra que s’ils voulaient demeurer côte à côte il fallait qu’ils pussent avoir en compositions des places qui leur permissent de se retrouver à chaque fois dans cet ordre ; et que le meilleur moyen d’y réussir c’était encore de travailler à être les premiers. Les enfants, fort intelligents tous trois, le comprirent très bien. Ils prirent l’habitude de se réunir, tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre