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LA JEUNESSE DE RABEVEL

— Dame ! et je n’en rougis pas ; mais tu peux dire que je l’ai toujours invité à venir nous voir ce brave frère Valier et que, quand il passe dire un petit bonjour, on cause comme des amis. C’est un brave homme et intelligent. Mais tous ne sont pas comme ça. J’attends encore en tous cas qu’il me fasse voir et toucher l’Immaculée Conception.

Catherine haussa les épaules tandis que les hommes riaient. Puis s’avisant tout à coup de la présence du petit :

— Déjà onze heures et tu es encore là, toi ! monte donc te coucher, tu ne pourras pas t’éveiller demain matin !

Bernard fit le tour de la table, souhaitant à chacun bonne nuit. Cependant que sa tante lui préparait un chandelier, il embrassa spontanément Lazare en balbutiant à son oreille :

— Vous m’apprendrez tout, tout ?

— Quelle soif de science ! dit le régent à Noë qui répondit par une moue sceptique.

L’enfant prit le bougeoir et ouvrit la porte.

— N’oublie pas ta prière, lui cria sa grand’mère.

Et il entendit, comme il refermait, la vieille Catherine gourmander son mari. Il s’arrêta, retenant le souffle.

— As-tu donc toujours besoin de déblatérer contre la religion devant ce petit ?

— Bah ! répondit le vieux, il saura bien un jour ou l’autre que c’est des blagues, la religion.

— N’empêche que si tes fils n’avaient pas eu une éducation chrétienne, qu’est-ce qu’ils seraient ?