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LA JEUNESSE DE RABEVEL

Noë avoua qu’il n’avait jamais prêté attention à la chose. Quand il sortait avec son neveu il ne s’en occupait guère, étant toujours pressé lui-même et il laissait courir le petit derrière lui.

— Tu as tort ; il faut gagner la confiance de ces jeunes êtres pour les guider et il faut les observer sans relâche ; c’est très important ; une promenade comme celle-ci peut suffire à se faire une idée du caractère de cet enfant. Regarde-le. Il s’est déjà arrêté devant la devanture d’un bijoutier ; et le voici devant celle d’un changeur, justement le père de son voisin, le petit Blinkine ; de toute évidence il ne peut comprendre ce qu’il y a dans cette vitrine ni ce qui peut se vendre et s’acheter dans cette boutique ; mais il s’y intéresse. Vois à présent comme il passe dédaigneusement devant ce petit bazar à jouets. Si, il s’arrête ; il examine les bateaux, les chemins de fer. Qu’en ferons-nous ? Un navigateur, ou un mécanicien ? ou un géographe ? car il s’arrête aussi devant les cartes de l’armateur Bordes ; le petit François Régis pourra le piloter, c’est le cas de le dire, son père est en effet Capitaine au long cours dans cette maison et doit se trouver pour le moment à Rarotonga, au fond du Pacifique austral…

Bernard les attendait au bord du trottoir ; Noë lui tendit la main pour traverser avec lui la rue de Rivoli, mais avec une inattention parfaitement simulée l’enfant s’était approché du maître qu’il prit par la manche ; le bonhomme ravi lui donna une tape d’amitié et regarda Noë d’un œil