Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome I (1923, NRF).djvu/199

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
197
LA JEUNESSE DE RABEVEL

salon pour prendre le café, il fut assez étonné de voir sur un meuble un volume de Verlaine fraîchement coupé.

— « Tiens, se dit-il, elle mord à ces choses-là ? » Et quand la jeune fille eut joué au piano une exquise étude de Debussy, il comprit qu’elle appartenait à une sorte de civilisation plus ancienne, plus raffinée que la sienne propre et à la fois plus intuitive puisqu’elle était capable de saisir, dès leur apparition et pleinement, les symptômes des plus délicates variations de l’art. Il ne put s’empêcher de témoigner de sa surprise :

— Nous vivons à Paris huit mois de l’année, dit Mr. Orsat et j’ai la chance de recevoir chez mot l’élite de nos jeunes artistes.

— Que vous êtes heureux, déclara Bernard avec sincérité, et que je voudrais les fréquenter aussi !

— Eh bien ! mais, nous ne nous voyons pas pour la dernière fois, répondit M. Orsat.

Cependant le jeune homme ayant ouvert le Verlaine réclamait des explications ; il en restait aux grandes ondes de Hugo, ou, au pis aller, à Leconte de Lisle. Est-ce que ces dissonances, ces vers amorphes n’écorchaient pas l’oreille de Mademoiselle Orsat ? La jeune fille, après un coup d’œil qui sollicitait de ses parents l’autorisation de répondre, essaya d’expliquer, toute rougissante, ce qu’apportait de délicieux cette poésie nouvelle. Bernard l’écoutait avec avidité ; il en vint à l’interroger ; et comme sa candeur était infiniment plaisante, il lui parla, sans s’en rendre