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LE MAL DES ARDENTS

Mais les autres ne voulurent rien entendre. Bernard sortit furieux de l’Hôtel d’Issoire où s’était tenue leur conversation ; il aperçut, comme il passait la porte, Monsieur Bartuel qui semblait attendre en causant avec un gros monsieur grisonnant : « Bon ! se dit-il, je comprends ». Il alla droit à eux, le cœur enflé de colère : « Monsieur Bartuel, fit-il avec une rage concentrée, je vous donne quinze jours pour venir faire ami ; sinon je vous casserai ». Et comme l’autre ouvrit la bouche : « Je vous casserai », répéta-t-il. Il se rendit immédiatement chez le vétérinaire qui se trouva être en tournée. Il l’attendit deux heures avec une impatience fébrile dans un petit salon campagnard médiocre et humide qui lui donnait la nausée. Quand il arriva : « Ne dételez pas, Mr. Frayssé, nous partons pour Cantaoussel ». En route, il lui expliqua son plan : « Il faut immédiatement m’enlever les quarante chevaux de l’exploitation, les coller chez des amis à la campagne, faire à la Préfecture une déclaration de fièvre aphteuse et signifier l’interdiction d’employer de la cavalerie pendant trois mois en même temps que toutes les mesures coutumières de désinfection et de prophylaxie. Bien entendu, vous ne perdrez ni votre temps ni votre peine ».

Le vétérinaire fit quelques difficultés dont les promesses eurent vite raison. En trois jours, les chevaux eurent disparu ; Bernard refit la tournée de ses clients, fit connaître à la Préfecture le cas désespéré, suggéra la solution, obtint de l’Intendance la réquisition. Moins de quinze jours après