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LA JEUNESSE DE RABEVEL

voilà comment me parle ce gosse. Et c’est mon neveu ; et j’ai seize ans de plus que lui !

« Et encore moi, ça m’est égal, je ne le vois guère que quand il descend à l’atelier, et aux repas. Mais avec mon frère Rodolphe, le tailleur, qui est marié, lui, et chez qui nous sommes en pension, c’est pareil. On ne peut pas dire qu’il soit grossier ; mais il vous a des raisonnements et tout le temps des raisonnements. Tout le jour, je l’entends à travers le plancher qui fait damner les compagnons tailleurs à l’étage et qui leur mange tout leur temps. Ça veut tout savoir, et ça a un mauvais esprit du diable. C’est un badinguet de mes bottes, quoi !

— Une bonne claque, dit un gros monsieur décoré, une bonne claque je vous lui donnerais, moi, quand il veut faire le zouave. Pourquoi vous ne le corrigez pas ?

Noë eut un petit mouvement de stupéfaction.

— Eh ! bien, répondit-il, c’est vrai, vous me croirez si vous voulez, on n’y a jamais songé. Ce gosse-là, c’est pas tout le monde. Rien ne nous empêcherait, pas ? Mais c’est comme le mauvais bois. Comment qu’on veuille le prendre, au guillaume ou au bouvet, on l’a toujours à contrefil ; il répond comme un homme. Alors… Et, ajouta-t-il après un instant en baissant la voix et après avoir constaté que Bernard regardait ailleurs, que voulez-vous ? le gronder, ça passe, mais le battre, je crois bien que j’oserais pas !

À ce moment la porte de l’école s’ouvrit et le maître