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LE MAL DES ARDENTS

s’interrogea sans faiblesse : l’examen intérieur ne lui porta que de la joie ; rien de suspect ne troublait son amour ; il lui semblait que de toute éternité cette adorable enfant lui était promise, le complément de sa race c’était elle ; il ne jugeait pas que sans elle la vie pût être vécue. Il se leva, baigné d’une fraîcheur, illuminé de toutes les visions que sa mémoire fidèle lui retournait, de toutes celles qu’il projetait dans un riant avenir. Il passa dans sa chambre pour faire sa toilette, heureux et sifflotant. Il eut quelque étonnement de rencontrer sur la porte Eugénie qu’lui dit fort naturellement :

— Te voilà ? je venais voir si Monsieur se levait sans chandelle ?

— Oui, dit-il, c’est vrai, je me suis attardé au lit : je suis un peu souffrant ; un embarras gastrique.

Il posa la main à plat sur son ventre : furtivement il considérait sa chambre : rien ne manquait à la mise en scène qu’il avait pris l’habitude de préparer : la veste et le gilet sur une chaise, le lit défait, un livre ouvert sur la table de nuit, une sorte de désordre, porte du placard entrebaîllée, objets de toilette dispersés, qui marquaient la présence certaine. Mais sa tante s’inquiétait :

— Qu’as-tu donc ?

Il était arrêté devant une étagère et considérait un portrait récent ; il s’y trouvait frais, vif et fort, les yeux nets, la bouche ferme, les cheveux naturellement brillants et relevés. Et sa pensée alla tout de suite à Angèle : allons,